Après deux mauvaises années en production de choux-fleurs, les légumiers espéraient un meilleur démarrage pour cette nouvelle saison.
« Nous venons d’essuyer deux années très difficiles en production de choux-fleurs avec un prix moyen de 0,45 €/tête pour la saison dernière. Les trésoreries se creusent lorsque l’on sait qu’une moyenne cache de grandes disparités et qu’il nous faut un prix compris entre 0,50 et 0,55 €/tête pour commencer à gagner notre vie », déclare Emmanuel Le Dantec, responsable de la section chou-fleur de l’UCPT (Union des coopératives de Paimpol et Tréguier).
Baisse des surfaces de 5 %
« Nous démarrons cette nouvelle campagne et le prix moyen du marché était de 0,27 €/tête la semaine dernière et de 0,29 €/tête en ce début de semaine », déplore Emmanuel Le Dantec. Le producteur n’oublie pas de mettre l’accent sur les conditions de travail difficiles pour la récolte des légumes de plein champ et notamment en chou-fleur avec des chantiers qui se déroulent en grande partie l’hiver dans le froid, sous la pluie et le vent… « Quand la rémunération n’est pas là, c’est décourageant. Pour preuve, nous enregistrons une baisse des surfaces en chou-fleur de 5 % en Bretagne au profit des céréales. »
Le mauvais démarrage s’explique en partie par la météo.
Sur le secteur de Paimpol, 50 mm d’eau sont tombés en une journée il y a environ 15 jours avec des températures dépassant les 25°C en journée. « Nos cultures ont décollé. Alors que nous avions une semaine de retard sur le planning de récolte, nous sommes maintenant en avance. Les autres pays européens produisant du chou-fleur, comme les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Espagne, l’Angleterre sont dans la même situation que nous. » Ces volumes se sont retrouvés sur le marché au même moment. La seule différence est qu’en Bretagne les producteurs ne vendent pas au cadran sous le prix plancher de 0,24 €/tête lorsque les autres pays le font. Résultat : des choux disponibles sur le marché venant des Pays-Bas, Belgique et Pologne autour de 0,15 €/tête. Certains intermédiaires de la restauration collective ont sauté sur l’occasion pour s’approvisionner à l’étranger.
Une qualité exceptionnelle mais 300 000 têtes invendues
La production bretonne a atteint les 2 millions de têtes la semaine dernière, ce qui n’est pas énorme pour la mi-octobre. Malgré tout, 300 000 choux étaient invendus. Mais le beau temps n’incite pas à la consommation. Pourtant, la production est d’une qualité exceptionnelle : « Il y a un gros potentiel dans les champs, il n’y a pas de perte. La culture a profité du temps sec et les racines sont bien descendues en profondeur. » Fin de semaine dernière, les producteurs ont tiré la sonnette d’alarme et invité les GMS à faire de la mise en avant du chou-fleur dans les rayons.
La situation va certainement se décanter en cette fin de semaine avec la possibilité d’écouler une partie de la production vers l’industrie et la surgélation. « L’industrie nous permet de donner de l’air au marché du frais mais les prix ne sont pas rémunérateurs pour les producteurs, le prix négocié pour cette année est de 0,27 €/tête. Cependant, ils sont indispensables pour la régulation du marché. De plus, ils bénéficient d’une qualité de produit exceptionnelle avec des choux destinés au marché du frais que nous ne laissons pas grossir. »
Développement de la contractualisation
Afin d’éviter de subir encore une saison compliquée, les producteurs bretons ont contractualisé une partie de leur production cette année avec des acheteurs. « Nous leur avons proposé 15 millions de têtes sous forme d’un achat comme au cadran mais inversé avec un prix progressif. Sept millions de choux ont trouvé preneur ce qui représente 8 % des volumes annuels de la Bretagne. Ils seront livrés aux acheteurs entre décembre et mars à un prix moyen de 0,60 €/tête. Nous souhaitons que ce système se développe mais nous allons le faire progressivement. Depuis 4 ans, nous proposons la même chose aux acheteurs mais à la semaine. Le prix est fixé le mardi et ils sont livrés en choux- fleurs jusqu’au mardi suivant », explique Emmanuel Le Dantec. Les producteurs bretons ont besoin de ces solutions pour concurrencer les Espagnols qui vendent toute leur production de cette manière.
La France victime de distorsions de concurrence
Dans la loi Alimentation, il est écrit que les GMS et la restauration collective doivent favoriser un approvisionnement français lors de situations de crise comme celle traversée en ce moment en production légumière. Or, nous constatons que ce n’est pas le cas. De plus, nous continuons de répéter que nous sommes victimes de distorsions de concurrence avec nos voisins européens en termes d’autorisation d’utilisation de certains produits phytosanitaires mais aussi socialement. La main-d’œuvre impacte le coût de production en légumes de plein champ de 60 %. Le salaire de base en France est de 13 €/h lorsque les Allemands sont à 8 €/h et l’Espagne ou la Pologne sont à 7 €/h. Nous voulons aussi pouvoir bénéficier d’une fiscalité plus lissée dans le temps pour permettre aux producteurs de passer plus sereinement des crises comme celle que vivent les producteurs de choux-fleurs. Hervé Conan, Président de la section légumes FDSEA 22