Élise Feltgen relève le défi d’ouvrir une librairie à Mellionnec, village de 430 habitants.
En plein Centre Bretagne, sur la place centrale du bourg de Mellionnec (22), juste en face de l’église, un nouveau commerce a ouvert ses portes le 14 septembre dernier. Le Temps qu’il fait, c’est son nom, est une librairie. Ou plutôt une librairie-café comme l’annonce l’enseigne au-dessus de la fenêtre. Élise Feltgen, la patronne des lieux, raconte l’histoire de ce projet ambitieux. « Mon compagnon et moi tenions déjà une librairie que nous avions créée à Rouen, en Seine-Maritime. Nous aimions beaucoup notre lieu mais c’était l’enfer pour se garer à proximité. Quand notre premier enfant est arrivé, nous avons eu tout à coup une forte envie de campagne et nous nous sommes mis à la recherche d’un endroit accueillant pour ouvrir une nouvelle boutique. » Le couple prospecte d’abord aux alentours dans les zones rurales de Normandie sans trouver un endroit « assez vivant » pour s’installer.
C’est au hasard d’une visite chez l’un de leurs amis, boulanger au sein d’un fournil collectif à Mellionnec, qu’ils découvrent la « vitalité » de cette petite commune. « Ici, nous avons aussitôt été séduits par l’ambiance qui règne. Il se passe beaucoup de choses parce qu’il n’y a pas de grosse ville à proximité qui aspire les énergies. Nous ne sommes pas dans le cadre d’une cité-dortoir. » Sans oublier qu’il existe déjà un « terrain propice » à l’élaboration de projets culturels avec l’association Ty Films, juste en face, spécialisée dans la diffusion de film documentaire…
L’endroit grouille de vie
Justement, une cinéaste de passage traverse la place d’un pas alerte et pousse la porte pour la première fois. Elle ne cherche rien de particulier, elle vient juste dire « Bravo ! » à Élise. « J’ai déjà séjourné ici. Je viens travailler avec ma monteuse sur un prochain film. Revenir et trouver aujourd’hui ce lieu chaleureux et riche, c’est tout simplement génial. » La libraire sourit et remercie timidement. Tous les encouragements sont les bienvenus quand on se lance dans une telle aventure.
Mais est-ce bien raisonnable d’ouvrir dans un bassin de population si peu concentré ? « Bien sûr qu’une simple librairie ne peut pas vivre dans un village de 430 habitants. Mais d’un autre côté, à part la maison de la presse à Rostrenen qui a une offre de livres plus généraliste, il n’y a pas d’autres commerces spécialisés à 40 km à la ronde », explique Élise Feltgen. « Cependant, dans ce contexte, j’étais un peu obligée de développer d’autres services en complément comme la partie café – restauration. » Une belle carte de thés ou de délicieuses gaufres parfois surprenantes par exemple donnent l’occasion aux promeneurs de s’arrêter chez elle. « Entre les gourmands et les lecteurs, j’ai du monde tous les jours depuis l’ouverture », se réjouit-elle. En fin d’après-midi, ce jeudi, l’endroit grouille de vie : certains fouinent parmi les bouquins, d’autres papotent autour d’un verre pour boucler la journée, des enfants filent jouer dans le jardin à l’arrière ou feuillettent un ouvrage… Au Temps qu’il fait, on se sent bien visiblement.
[caption id= »attachment_37496″ align= »aligncenter » width= »720″] Un espace est dédié à « la mise en valeur de la créativité de la littérature jeunesse » et à l’accueil des enfants.[/caption]
« Les petites librairies, c’est l’avenir »
À l’heure où le monde bascule dans la lecture sur écran de l’ère numérique et que les petites et moyennes librairies ferment partout les unes après les autres, écrasées par des supermarchés de la culture, la libraire pense que sa boutique de livres en vrai a des arguments à revendre. « Toutes les études le montrent, l’avenir de la librairie passe par de petits commerces où les clients ne sont pas noyés de titres et trouvent un accueil, une proximité, un conseil autour d’une sélection de qualité. Tant que la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre qui garantit un même prix partout tient, nous avons notre carte à jouer. Ce sont les Fnac et autres grandes enseignes qui doivent le plus craindre la lecture de l’époque numérique… »
Dans les étagères, comme dans la boutique de Rouen à l’époque, on retrouve à la fois des livres neufs et des livres d’occasion. « Des classiques et des nouveautés bien sûr, les romans dont on entend parler à la radio mais aussi des ouvrages de sciences humaines, de maisons d’édition indépendantes ou très peu connues… » Et puis, au fond de l’enceinte, se trouve également un espace coloré et clair dédié aux enfants. « J’adore la littérature jeunesse : sa créativité donne envie de la mettre en valeur », termine la Bretonne d’adoption, fatiguée mais ravie de voir du passage tous les jours. « Je l’espérais… »