Éric Favre, éleveur de vaches laitières à Blain, en Loire-Atlantique, a écrit de courtes chroniques naturalistes dans son livre “Dans les prés de ma ferme”. Une ode à la nature.
« Cela fait plus de quinze ans que j’observe de manière volontariste et que je note dans de petits carnets tout ce que je vois : insectes, oiseaux et mammifères, fleurs et plantes », lance Éric Favre. Au départ, une façon de ne rien oublier de ses observations, quand il parlait de ses découvertes à ses amis. De là lui est venue l’idée d’écrire ses premiers textes. Puis plus tard de les accompagner de photos, pour montrer à son entourage ce qu’il avait observé. « J’avais une douzaine de textes qui formaient un tout cohérent. Je me suis dit alors que si j’en écrivais suffisamment, je pourrais en faire un livre », précise l’auteur de “Dans les prés de ma ferme”.
Le quotidien d’un éleveur de laitières
Ce livre, il l’a écrit complètement dans le désordre et au final, le rythme des saisons s’est imposé à lui, ses observations épousant naturellement ses tâches journalières : distribuer du foin, emmener ses animaux au pâturage ou réparer une clôture. Ainsi, page après page, apparaît par petites touches le quotidien d’un paysan éleveur de vaches laitières, un quotidien où la nature et l’agriculture enfin réconciliées retrouvent un équilibre harmonieux. Quand il a un doute sur le nom de telle espèce qu’il vient de croiser, il se plonge dans un guide ornithologique pour être certain de l’identifier correctement, après l’avoir bien regardée. « Plus on en connaît et on en sait sur la nature, plus on voit de choses. »
Le livre comprend plus de 200 photos de l’auteur, témoins du cycle des saisons. « Je n’ai pas le temps de rester à l’affût des heures durant comme le ferait un photographe animalier. Habituellement, c’est l’observation qui déclenche la photographie. Si j’observe un animal, je m’arrange pour repasser le lendemain ou les jours suivants à la même heure pour le prendre en photo avec mon Nikon. »
La capacité d’émerveillement d’Éric Favre face à ce qu’il voit ou ressent transpire à chaque page de son livre. Comme il y a vingt ans, quand il avait observé un pic-vert pour la première fois. « Si j’ai du temps pour observer des animaux sur ma ferme, c’est lié aussi au système herbager que j’ai développé. Dans ce type d’agriculture, il faut prendre le temps d’étudier ses prairies et ses animaux. Pour voir quelque chose dans la nature, il faut avoir le bon état d’esprit, être calme. »
« Observer est devenu pour moi une seconde nature »
Dans une autre vie, Éric Favre a été conseiller agricole avant de s’installer à Blain, en Loire-Atlantique, en 1994. Son système est le même depuis le début. Il produit 180 000 litres de lait en conventionnel en s’appuyant sur un système très pâturant, sur 45 ha, avec une quinzaine de parcelles d’une surface de 3 à 5 ha chacune. « Je produis le même volume de lait qu’au début, sur la même surface, avec la même exploitation. » Pas de maïs ni de cultures. Juste de l’herbe pâturée ou distribuée sous forme de foin en hiver.
Mais s’il avait dès l’origine ce projet de mettre en place un système tout herbe, il se heurtait à un problème : la quasi-absence de haies sur l’exploitation. « Elles sont indispensables pour qu’un tel système fonctionne. Elles servent d’abri aux animaux, les protègent du vent froid l’hiver et en période estivale, permettent à l’herbe de rester verte plus longtemps. » Il a donc entouré toutes ses parcelles de haies brise-vent, ce qui a représenté un linéaire de 5 km. L’opération de plantation, réalisée avec la Chambre d’agriculture, s’est étalée sur quatre ans.
« Dès le départ, j’ai constaté l’impact de la haie sur la production d’herbe, notamment sur des parcelles très séchantes, qui produisaient peu, et qui se sont mises à le faire à l’abri des haies », souligne Éric Favre. Il a consacré les deux premières années à les entretenir et s’est félicité de voir que la biodiversité se réinstallait sur ses parcelles, avant même que les arbres poussent ? « J’ai observé très peu d’animaux la première année mais dès le printemps suivant, des oiseaux sont revenus, puis des plantes l’année d’après. » Le cycle de la vie s’est réinstallé progressivement : des insectes, puis des oiseaux pour les manger, des mammifères, etc.
Ayant beaucoup de travail les premières années, il voyait des choses comme ça en passant, rien de plus. « Quand je voyais un animal, je me disais alors que je pourrais peut-être le revoir au même endroit les jours d’après. Comme quand j’avais observé un faucon crécerelle en faisant les foins. Et c’est ce qui se passait. » Progressivement, il a commencé à noter sur un petit carnet tout un tas d’observations faites dans ses prés. « Mais je faisais ça pour moi, pour m’en souvenir ». La suite, on la connaît…
Christian Evon
Dans les prés de ma ferme, Éric Favre, Guy Trédaniel éditeur, 173 pages, 17,90 euros.