Après 6 ans en tant que technicien ponte, Yves-Marie Carnot, de Melgven (29), a choisi de mettre en pratique ses compétences en créant son propre atelier. Dans un contexte favorable, il a opté pour une production bio . Retour sur ce choix de vie qui allie conditions d’élevage et bien-être de l’éleveur.
« Aujourd’hui, je dépose ma fille chez la nourrice vers 8 h, avant de démarrer le boulot au poulailler », se satisfait Yves-Marie Carnot, qui apprécie de ne plus devoir prendre la route tôt, comme c’était le cas lorsqu’il était salarié. « Je roulais jusqu’à 70 000 km par an pour le boulot. Désormais, je travaille sans doute plus, j’ai moins de vacances, mais je gère mon rythme et je me sens plus en sécurité parmi mes poules ou sur le tracteur que sur les routes. »
Un projet mûri
Depuis juin 2017, Yves-Marie se consacre entièrement à son projet de poulailler de poules plein air en bio. Un projet abouti le 16 juillet dernier, avec l’arrivée des poulettes. « Un an, cela peut paraître long », fait remarquer l’éleveur, « mais c’était nécessaire dans le cadre du parcours jeune agriculteur. Cette période m’a permis de mûrir le projet et de participer à l’installation de certains équipements. » 12 000 poules gambadent désormais sur un parcours de 5 hectares, et viennent s’abriter et pondre dans le bâtiment. Ce dernier a été pensé pour être à la fois fonctionnel et ergonomique, économique en matière d’énergie, et esthétique. « L’élevage est à moins de 500 m de l’entrée du bourg de Melgven », précise le producteur, qui tient à entretenir de bonnes relations de voisinage. « J’ai fait barder les jardins d’hiver de bois afin que le bâtiment se fonde mieux dans le paysage. Par ailleurs, avant sa mise en route, j’ai ouvert l’élevage à ceux qui le souhaitaient, afin qu’ils découvrent son fonctionnement. »
Qualité de vie
Fort de son expérience dans le métier, il a fait le choix du bio, en partenariat avec Triskalia, dans l’objectif de répondre à une demande forte du marché. « Je suis bien entendu sensible à l’environnement et aux conditions d’élevage », reconnaît-il. « Mais le choix du mode de production s’est également fait par rapport à mes aspirations personnelles de qualité de vie. En effet, par rapport à un poulailler conventionnel en plein air, l’élevage en production biologique permet à la fois de dégager un revenu convenable et d’avoir une charge de travail raisonnable. Un tel atelier est plus modeste et moins gourmand en temps, car ce qui est le plus chronophage, c’est le ramassage manuel des oeufs pondus hors des nids. Or, plus l’atelier est important, plus il faut potentiellement en ramasser. »
« Je découvre tous les jours »
Après 4 mois d’installation, le jeune éleveur se dit globalement satisfait de son outil de travail. « Le bâtiment fonctionne bien, les poulettes répondent techniquement, la charge de travail est conforme à mes attentes… On fera un bilan plus détaillé en fin de lot », prévoit-il, qui, pour l’instant, estime être toujours en rodage. « Malgré mon expérience, je découvre tous les jours certains comportements des poules. Par exemple, elles sortent très peu quand il fait trop beau ou trop mauvais. En revanche, elles se dégourdissent les pattes quand le temps est mitigé et couvert. Ces exercices physiques ont malgré tout l’inconvénient de faire consommer de l’énergie aux poules et donc de l’aliment. Et ça se ressent au niveau du silo. Par ailleurs, les 50 premiers mètres du parcours sont complètement désherbés par les poules. Il faudra donc que je ressème localement. »
« J’ai bien conscience d’avoir la chance de pouvoir démarrer de zéro avec un bâtiment neuf, véritablement adapté, dans un contexte de marché jusqu’alors plutôt favorable », reconnaît-il. « Je connais beaucoup d’éleveurs de poules en cages aménagées qui n’ont, pour l’instant, pas la capacité financière de convertir leur bâtiment existant. La plupart n’a pas encore fini de rembourser la dernière mise aux normes bien-être. Quant aux jeunes qui souhaiteraient se lancer, je leur recommande de bien cogiter leur projet en fonction des opportunités de marchés. »
Œufs alternatifs : accompagner les marchés
Yves-Marie Beaudet, président de la section aviculture ponte de Triskalia, revient sur le contexte de pression des associations de défense des animaux et sur la volonté de la coopérative d’accompagner au mieux les adhérents.
Comment fait Triskalia pour concilier attentes de la société et accompagnement des éleveurs ?
[caption id= »attachment_37876″ align= »alignright » width= »188″] Yves-Marie Beaudet, président de la section aviculture ponte de Triskalia.[/caption]
En tant que coopérative agricole, nous sommes particulièrement à l’écoute des évolutions des attentes sociétales en matière de bientraitance animale. Nous avons décidé d’accompagner nos producteurs dans la réflexion de transformer leur élevage. Les équipes de la coopérative ont réalisé une enquête approfondie auprès de l’ensemble de nos adhérents afin de connaître leurs capacités technique et financière à faire évoluer leur bâtiment. Or, chez certains, ce n’est pas matériellement faisable pour l’instant. La conversion des cages ne va pas se faire du jour au lendemain, car de nombreux éleveurs n’ont pas encore fini de rembourser les emprunts de la mise aux normes de 2012.
Quels sont les choix offerts aux producteurs aujourd’hui ?
C’est à nous, producteurs et groupements de producteurs d’inventer le modèle durable qui ne sera pas remis en cause par les associations. À Triskalia nous oeuvrons pour imaginer l’élevage du futur, toutes espèces confondues, dans le cadre du laboratoire d’innovation territorial Ouesterel consacré à la santé et au bien-être animal. À ce jour, les producteurs disposent de plusieurs possibilités pour convertir leur élevage. Cependant, en Bretagne, l’option plein air est souvent limitée par un accès restreint au foncier. La solution la mieux adaptée aux structures d’exploitations est le remplacement des cages par des volières. Ce mode d’élevage deviendra certainement demain le nouveau standard. Le risque est que les exigences évoluent et se traduisent par encore plus de contraintes. Pourquoi pas, mais à condition que ces investissements soient véritablement valorisés
dans les prix.
Où en est Triskalia en matière de conversion des élevages adhérents ?
Fin 2018, notre coopérative atteindra 50 % de sa production en mode alternatif, ce qui nous place, avec quatre ans d’avance, au niveau des objectifs fixés par l’interprofession française à horizon 2022. Dans les années à venir, nous allons poursuivre cette dynamique de conversion, toujours en cohérence avec la demande de nos clients et la capacité de nos adhérents à y répondre.
D’après vous, est-ce que l’élevage de poules en cages aménagées va disparaître ?
Je ne peux pas l’affirmer aujourd’hui. Certains veulent le voir disparaître. Mais si cela correspond à une demande d’une partie de la population, pourquoi ne pas continuer à le pratiquer plutôt que d’importer des œufs ? Dans tous les cas, notre coopérative sera proche de ses éleveurs et les accompagnera dans le sens des demandes sociétales et du marché.
Hervé Soubigou/Triskalia