Florence Trémorin propose une large gamme de plants d’arbustes fruitiers, avec de nombreuses variétés jadis cultivées en Bretagne. La productrice milite pour la diversité des fruits.
Le prochain 25 novembre fêtera les demoiselles ayant passé un quart de siècle en restant un cœur à prendre : les Catherinettes. Pour le jardinier, la Sainte Catherine est un jour calendaire important dans l’année, car « tout bois prend racine ». En ce mois noir où la luminosité décroît (miz du en breton), la sève a déjà quitté la partie supérieure des arbustes, c’est une période de repos favorable à la plantation. Il semblerait que Florence Trémorin ait suivi cet adage à la lettre, car les arbres de petites tailles s’épanouissent sur son lopin de terre, situé à quelques encablures de la baie de Morlaix. Cette pépiniériste a créé son activité de production de plants divers sur une terre auparavant en friche, en pleine zone légumière, à Taulé (29). Depuis, les pommes multicolores, mais aussi les poires oubliées et les petits fruits retrouvent une seconde vie.
[caption id= »attachment_37662″ align= »aligncenter » width= »720″] Les pommes ne se consomment pas toutes une fois tombées de l’arbre, certaines demandent une maturation.[/caption]
Un grand-père mordu de la pomme
Les racines familiales de Florence Trémorin l’ont rapidement plongé dans l’univers des pommiers. « Mon grand-père faisait partie des Mordus de la Pomme », association qui a pour but essentiel de conserver la pomme en Bretagne. « J’ai toujours mangé des fruits sans les payer », sourit la productrice, toujours entourée de vergers. Cette ancienne fleuriste a posé sa valise en Finistère, « par envie et besoin de prendre soin d’une terre. Le fruitier a du sens, fait partie de l’alimentation de base ». Le sol donne cette nourriture, facile à partager avec ses amis, sa famille ou ses voisins.
Germaine de Brasparts cuisinée à Pleyben
Le choix est cornélien quand on demande à Florence Trémorin d’élire sa pomme préférée, parmi les quelque 70 variétés du fruit le plus consommé en France… « Chacune a sa particularité. Je ne choisis pas la même pomme suivant mon humeur ou l’heure de la journée. Une pomme se pratique, comme le vin : ce n’est pas parce qu’on a goûté un vin qu’on le connaît. Toute pomme tombée de l’arbre n’est pas bonne à manger tout de suite, c’est le cas de la Reinette d’Armorique qu’il faut consommer au bon stade de maturité ». Les saveurs sont dans les plants, la riche collection rappelle que la Germaine de Brasparts, de couleur jaune lavé et striée de rouge sur sa moitié, fut très recherchée pour la confection des chaussons et des pommés à Pleyben (29).
Réparer les chaînons manquants
Si les anciens maîtrisaient parfaitement la multiplication des fruitiers, ainsi que les nombreuses variétés de pomme de Bretagne, ce savoir s’est délité au fil des ans. « L’objectif est de s’inscrire dans l’histoire d’un territoire. Il y a des chaînons manquants, nous avons perdu le savoir de deux générations », pense-t-elle. La jeune productrice organise dans ce sens des rencontres pour discuter des techniques oubliées, « comme on pourrait parler à son grand-père ». C’est même avec engagement que Florence Trémorin milite pour un patrimoine végétal large, « c’est notre responsabilité pour les générations futures. On perd des variétés à toute vitesse, nous sommes dans un entonnoir. C’est dramatique ».
Dans la période après guerre, les variétés dites modernes ont été sélectionnées sur trois critères, à savoir le croquant, le juteux du fruit et sa saveur sucrée. « Les variétés traditionnelles ont une diversité de goûts, ce qui est beaucoup plus réjouissant ! » Les pieds-mère servent de souche. Les greffons de diverses variétés sont prélevés sur les pieds-mère afin d’être multipliés. La greffe à l’anglaise marie ces greffons à trois sortes de porte-greffes : le port est bas, moyen ou haut. Sur le site, la productrice peut ainsi observer la réaction des végétaux face aux aléas de la météo. Des soins particuliers sont prodigués aux plantes, comme des apports d’huiles essentielles, par atomisation, pour que les gouttelettes de la solution soient les plus fines possible. Engagée dans une démarche Nature et Progrès, la ferme mélange les plantes auxiliaires pour couvrir le sol et enrichir la biodiversité. Ainsi, santoline, tanaisie ou menthe côtoient les petits arbres. Le raifort semble aussi écarter les mulots curieux, le tabac fait tousser les pucerons.
Pour activer la vie du sol, des couverts végétaux riches en espèces (trèfle, luzerne, pois ou tournesol) viennent couvrir les espaces nus. Des extraits fermentés de consoude, d’ortie ou encore d’algues laminaires sont épandus. « La décoction de prèle consolide les cellules, rend les plantes moins sensibles aux attaques ». Ces connaissances agronomiques vont pousser la pépiniériste vers des plantations sans travail du sol, afin de préserver l’action des vers de terre et de la vie souterraine. Une fois les greffons consolidés sur leur porte-greffe, les jeunes arbustes sont déplantés pour attendre leurs futurs propriétaires dans du sable, et sont vendus à l’âge d’1 ou 2 ans. « Plus un arbre sera planté jeune, mieux il s’installera ». Les pommiers plantés cet automne donneront leurs premiers fruits d’ici 2 à 3 ans.