Pour profiter au mieux des vertus de l’herbe, Florent Cotten de PâtureSens conseille de réfléchir dès l’automne pour préparer la saison de pâturage. En se formant et en anticipant.
« En Bretagne et encore plus dans les zones plus séchantes, l’herbe est souvent vue comme un « retour en arrière » synonyme de baisse de production animale, un simple outil pour réduire l’achat de correcteur azoté d’une ration maïs, une plante qui n’est intéressante que d’avril à juin », regrette Florent Cotten, conseiller en pâturage. Même s’il conçoit que la remise en cause de ses acquis techniques et l’évolution d’un système ne sont pas simples à mener.
Pour lui, gérer de l’herbe de manière rigoureuse peut s’avérer « très profitable économiquement mais aussi psychologiquement ». Il estime que revoir son approche du pâturage, « pour revenir à celle apprise jadis », permet de « prendre du recul sur sa gestion globale d’entreprise, notamment dans le contexte agricole complexe englué dans une économie mondialisée, et répondre à une demande sociétale forte pour une agriculture plus cohérente ».
Silo fermé pendant 5 mois
Certains ont tenté l’aventure, comme Yannick Rouat, éleveur à Riec-sur-Belon (29) dans le Sud-Finistère. « On m’a toujours dit que, dans notre zone côtière séchante, l’herbe ça ne marchait pas », confie-t-il. Il a pourtant fini par creuser la question avec l’espoir de mieux valoriser le potentiel de sa ferme (800 mm de précipitation par an, 75 laitières à 7 200 L de lait par an, 70 ares accessibles par vache). Si pour Florent Cotten, toutes les modifications à apporter au système étaient évidentes, pour le Finistérien elles l’étaient « beaucoup moins au départ ».
Le producteur a pourtant commencé à mettre en place le pâturage de précision et rejoint, pour se conforter, un groupe de formation dédié à cette gestion des prairies. « Pour une première année, d’autant plus sèche, le constat est simple : j’ai valorisé plus de 2 t de matière sèche supplémentaires par hectare, j’ai réalisé plus de stock d’herbe sur la même surface et je n’ai pas ouvert mon silo avant début septembre, soit 5 mois de fermeture. D’habitude, c’était début juillet. » Les flores multi-espèces typées luzerne implantées au printemps ont « clairement aidé » au maintien du pâturage l’été. « Cette approche herbagère m’a fait comprendre qu’on pouvait retrouver beaucoup d’autonomie, pas simplement alimentaire, mais aussi de réflexion. C’est simplement du bon sens : d’abord comprendre le potentiel de nos sols et adapter ensuite la gestion en conséquence », explique Yannick Rouat qui avoue mieux appréhender la direction qu’il veut prendre : « Davantage d’herbe pâturée dans la ration et moins de maïs. Je suis bien plus confiant pour l’avenir. »
Meilleure repousse des paddocks gérés à la journée
En 2016, Christian Chérel, qui conduit 100 laitières à Saint-Senoux (750 mm de précipitation, niveau d’étable à 8 500 L, 35 ares accessibles par vache) en Ille-et-Vilaine, a participé un peu par hasard à une rencontre PâtureSens près de chez lui. « Cette approche herbagère m’a beaucoup interpellé. » Le producteur est reparti en se demandant « Et si l’herbe bien gérée n’était pas juste qu’un simple correcteur mais en fait un fourrage qui produit du lait à pas cher ? » Suite aux formations d’hiver, il a alors mis en place sur une partie de son site (en zone de captage) des parcelles gérées à la journée. Premier constat : « Une bien meilleure repousse, visible dès le lendemain du passage des animaux. Un phénomène insoupçonné. » Au fil de la saison, le Brétillien a noté davantage d’herbe sortie pour une même surface. « Pour moi, le plus impressionnant est que tout ce que j’avais investi sur l’hiver en circuit d’eau, abreuvement et clôture a été amorti dès le premier printemps grâce à l’économie d’une livraison de 20 t de soja. »
Au cours du suivi de saison en groupe, Christian Chérel a surtout retenu une chose essentielle : « L’importance d’un bon déprimage. La réussite de la saison en dépend. » Depuis, il a amélioré son système par la mise en place d’un boviduc pour favoriser l’accès au pâturage. Aujourd’hui, il envisage de revoir les flores implantées sur une partie du site « afin de pousser plus loin » la saison de pâturage. Et de conclure : « Il faut du temps pour maîtriser cette approche herbagère. Mais cela vaut vraiment le coup de se lancer. »