Crise apicole : où en est-on ?

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3 questions à Jean Fedon, Apiculteur professionnel depuis 1961, Auteur de Le rôle de l’homme dans l’évolution de la biodiversité, du néolithique à nos  jours (Editions Vérone, 2018) et Devenir apiculteur professionnel (2012).

On entend depuis des années que la filière apicole est en crise. Qu’en est-il vraiment ?

« Depuis des millénaires l’homme s’est approprié l’abeille pour en tirer un meilleur revenu et affirmer sa propriété en la logeant dans des contenants qu’on appelle des ruches. Il a créé l’apiculture. Actuellement, et depuis pas mal d’années, on entend que la filière apicole est en crise : les abeilles meurent anormalement, les récoltes sont en chute libre. Un seul responsable émerge : les pesticides. Il ne faut pas sous-estimer la capacité d’émotion suscitée par les médias et reconnaître que certains d’entre eux exploitent malheureusement le catastrophisme racoleur pour doper leur audimat. Car l’abeille, insecte emblématique par le travail qu’il accomplit et les produits consommables qu’il nous procure, jouit d’une aura sans mesure auprès du grand public. Son organisation en colonie en fait un sujet de fascination. L’abeille est associée de près à la biodiversité et gare à celui qui lui posera des problèmes.

Mais qu’en est-il vraiment ? Dans les années 70, époque où les récoltes de miel étaient réalisées sur des plantes sauvages ou cultivées semblables à celles d’aujourd’hui, la production annuelle française oscillait entre 12 et 20.000 tonnes selon les années. En 1973, la formation pour apiculteurs professionnels a été mise en place et a porté ses fruits jusqu’aux années 90. Une génération d’apiculteurs en a profité et a connu la période faste des années 80 qui a vu apparaître et exploser la culture du tournesol. Avec sa floraison étalée de début juillet à mi-août, cette culture a porté la récolte annuelle nationale à 40.000 tonnes.

En 1990, dans cet élan, une interprofession a été créée, non sans peine. En effet, de nombreux apiculteurs étaient opposés à une organisation professionnelle qui allait exposer en pleine lumière l’opacité de la vente des produits de la ruche qui faisait de l’apiculture le fleuron de la discrétion commerciale. Cette interprofession, pourtant pleine d’espoirs, n’a pas survécu et a entraîné dans sa chute la disparition de l’Institut Technique et de l’OPIDA (Office pour l’Information et la Documentation en Apiculture) dont la mission était la diffusion des connaissances apicoles.

Les conséquences furent brutales : sans contrôle de l’information technique et scientifique, les théories et pratiques les plus loufoques se diffusaient. Et sur le plan sanitaire, la disparition de l’Institut Technique a entraîné une baisse de la vigilance face au Varroa, petit acarien et ennemi N°1 des abeilles apparu quelques années plus tôt. 

L’arrivée de nouveaux apiculteurs, le plus souvent sans expérience, a coïncidé avec le début de la baisse de la production française. Les pesticides et les agriculteurs ont donc été mis au banc des accusés comme responsables et coupables de tous les maux de l’apiculture. La réalité est un peu différente. Pour contrôler l’expansion de Varroa, deux molécules de produits déjà existants ont été utilisées avec succès par les apiculteurs en place depuis longtemps. Leur efficacité était excellente sur le Varroa, sans incidence sur les abeilles et sans résidus sur les produits de la ruche. Mais les nouveaux apiculteurs ont préféré utiliser d’autres solutions « maison » et peu efficaces. Aujourd’hui, les apiculteurs qui ont continué à traiter le Varroa avec des produits homologués sont devenus les fournisseurs d’essaims à ceux qui, en raison de leurs pertes, sont obligés d’en acheter régulièrement. Hélas, et pour le grand dommage de l’apiculture, on parle plus souvent des apiculteurs qui enregistrent de pertes de colonies que de ceux qui enchaînent les records de production. »

Quel regard portez vous sur l’évolution de la filière depuis les années 60 ?

« Depuis une dizaine d’années, la filière évolue dans le bon sens. Quelques apiculteurs ont remis en route la formation technique par une association qui, en quelques années est passée de 200 adhérents à près de 1500. L’obligation faite par le gouvernement à la filière apicole, fin 2017, de créer une interprofession commence également à produire son effet.

Quand mon fils a repris notre exploitation en 1992, il y avait 800 ruches. Aujourd’hui, il en a environ 2000. C’est un beau parcours effectué pendant une période pourtant perturbée.

Une exploitation apicole est une entreprise comme une autre avec ses impératifs de gestion, d’assiduité, d’analyses de situation permanentes, et lorsqu’il faut faire un choix, il ne faut pas se tromper. Quand on aime on essaie toujours de faire mieux le lendemain que la veille.
L’année 2018 a été bonne avec une production importante de miel toutes fleurs grâce à un temps favorable : humidité et chaleur étaient au rendez-vous. La météo reste toujours le premier facteur en apiculture. »

Tout le monde s’accorde sur l’origine multifactorielle des mortalités d’abeilles. Peut-on désormais aller plus loin et hiérarchiser les facteurs ?

« Sans contestation possible, le premier facteur de mortalité anormale des colonies est le Varroa, que ce soit en action directe ou par défaut de traitement bien ciblé. La conduite des colonies soumises aux effets du Varroa implique maintenant des pratiques apicoles nouvelles qui, malheureusement, ne sont pas toujours mises en œuvre.

Le second facteur, ce sont ces conditions climatiques qui se renouvellent tous les 10 ou 20 ans et perturbent les préparations des colonies à l’hivernage. Je garde en souvenir l’hiver 1962/1963 qui avait été rude avec des températures négatives pendant plus de 3 mois. Les abeilles n’ont jamais pu sortir et les colonies se développer ainsi convenablement. Les pertes sur la France entière s’élevaient à 80%. Plus récemment, ce fut encore le cas lors de l’hiver 2017/2018.

Ensuite, il y a la question de l’alimentation en pollen et en nectar. Les abeilles doivent avoir accès à une ressource diversifiée, de qualité et en quantité suffisante tout au long de la saison. Or, depuis une vingtaine d’années, on constate une réduction de 95% des surfaces de trèfle violet, de 83% pour la luzerne, de 65% pour les haies, de 30% pour les prairies permanantes et de 35% pour le tournesol. Enfin, il ne faut pas minimiser le rôle des pesticides, tout en reconnaissant qu’ils n’arrivent pas en tête des raisons des pertes anormales ; au moins lorsqu’ils sont correctement utilisés en respectant les précaution d’usage. L’apiculture est une activité bien complexe. Il ne faut jamais l’oublier et savoir rester humble. »

Source : Réseau Biodiversité pour les Abeilles


5 commentaires

  1. oulhen

    les apiculteurs aiment exprimer leur ressenti du moment et les moyens modernes de communication font effet de caisse de résonance. Mais ne faut-il pas se poser une foule de question sur la vie et l’environnement de nos colonies ? et surtout ne pas hésiter à se mettre en cause tout autant que L’AUTRE, vous savez celui sur qui on tape sans écouter ses arguments !!!
    Bref l’Abeille n;’est pas en péril mais c’est notre Apiculture qui est sur la sellette. En cent millions d’années elles en ont vu d’autre, ce n’est pas nos erreurs qui vont remettre en cause leur existence, par contre on doit se poser certaines questions sur la notre.
    En ce début d’année 2019 restons optimistes car bientôt tous ensemble nous réagirons.
    BONNE ANNÉE, BONNE SANTÉ à toutes et à tous

  2. Parker Lewis

    Article qui se veut LA référence, mais qui n’en cite aucune… Subjectivité, parti pris et absence de preuves scientifiques, c’est surtout sa base de réflexion. Qui est l’auteur et quelles sont ses références scientifiques pour asséner des pseudo-verités ainsi ? Le varroa et les pratiques des nouveaux apiculteurs sont-ils aussi à l’origine de la disparition des insectes en campagne ?? Soyons lucides et sérieux 2 minutes…. Cet article est un outil de lobbying voilà tout, comme on a pu le voir avec le glyphosate, la pêche du bar,… etc

    1. Spoutnik

      Tout à fait d’accord avec Parker :
      Cet article est une pure propagande pour les lanières chimques de lutte contre le varroa, qui sont fabriquées par un laboratoire filiale d’un groupe d’agrochimie mondial :
      http://www.arystalifescience.fr/
      Ce qui fait que la survie des abeilles est dans la main de leurs empoisonneurs.

  3. Jean Masse

    je viens d’arrêter l’apiculture amateur pour raison de santé, j’étais a 15 ruches qui me faisaient la récolte de printemps 30 essaims, j’en récupérais une vingtaine qui me faisaient la récolte d’acacias,et l’ensemble la récolte de fin juillet. Mon record 500kg, les pertes de ruche 1 ou 2 par an, pas de changement de cadre pas de changement de reine, mais renouvellement d’un maximum de ruche avec les meilleurs essaims. Pour vous dire qu’aujourd’hui l’on fait comme avec les poulets etc…insémination artificielle, les poules ne couvent plus, les coqs ne savent plus sauter les poules. Que vont devenir les abeilles avec cette même logique.

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