Pour Jacques Carles, d’Agricultures et stratégies, la politique agricole commune fait fausse route et les échanges mondiaux doivent être régulés par une autorité internationale.
[caption id= »attachment_38293″ align= »alignright » width= »151″] Jacques Carles[/caption]
« Contrairement aux politiques agricoles déployées dans la plupart des grands États producteurs mondiaux, la Pac ne protège plus ses agriculteurs. L’Europe veut abandonner son rôle de régulation publique ». Jacques Carles, fondateur du laboratoire d’idées Agricultures et Stratégies (ex-Momagri), intervenait au congrès national de la Coordination rurale, la semaine dernière, à Vannes. « Pourtant, l’abondance de produits agricoles n’est pas la règle. Celle-ci est conditionnée à des politiques prudentes, protectrices. Elle est au cœur des enjeux du XXIe siècle : sécurité et solidarité alimentaire, changement climatique, migrations… ». L’Union européenne expose ses producteurs aux prix internationaux et renvoie à la résilience des exploitations et aux outils privés de gestion des risques (assurances) qui ne sont d’aucun secours en cas de marchés durablement déprimés. La politique agricole européenne doit donc, selon lui, être revue.
Aides Qualité Europe
Les aides découplées sont dans son collimateur. « Elles n’ont pas de sens économique. Il faut réorienter cet argent vers les besoins réels, notamment les investissements. Ou encore vers l’organisation économique des producteurs, afin de leur permettre d’être, comme toute entreprise, en capacité d’ajuster leur offre pour ne pas déstabiliser ses marchés.». Il demande également des aides couplées d’orientation, pour favoriser la production de protéagineux, par exemple. Il défend un système d’aides contracycliques variant en fonction des prix du marché qui permettrait, à budget équivalent, de soutenir plus efficacement les agriculteurs. « C’est un système qui ne coûte que lorsque les prix sont déprimés. Sur la durée, ce système coûterait moins cher pour la Pac et serait plus efficace pour les agriculteurs ». Les standards agricoles européens sont plus élevés (normes sociales, environnementales…). L’économiste propose d’allouer 75 €/ha « d’aides qualité Europe ».
Réguler à l’échelle mondiale
Le commerce mondial doit, selon Jacques Carles, être régulé. « Il faut conditionner les échanges à des règles sociales et environnementales », évoquant ceux envisagés avec le Mercosur qui pourraient mettre en péril la filière bovine. L’OMC est inefficace à ses yeux. « Le libre-échange n’a pas de place en matière agricole. Il faut mettre en place un dispositif de régulation internationale, géré par un Conseil de sécurité alimentaire ». Une exception agri-culturelle, en quelque sorte.
Les olives espagnoles ne passent plus
Notre philosophie : être maître chez soi
Nous ne sommes pas anti-coopératives. Nous dénonçons simplement les dérives. L’entreprise Gad, rachetée par Daucy, coulée deux ans plus tard. Doux, repris par Terrena, en liquidation judiciaire un an après. Que dire de Synutra, dont la CR était la seule à se méfier. La coopérative Sodiaal avait demandé à ses adhérents d’augmenter la production… payée au prix B. Elle va désormais vendre sa poudre à qui ? À Synutra, qui ne payait déjà pas le lait ?… À la tête des Chambres de Bretagne, nous proposerons un service juridique gratuit, une formation JA gratuite. Est-ce normal que la première facture (autour de 1 000 €) reçue par les jeunes, provienne de la Chambre ? Les fermes autonomes sont les plus rentables. Nous en avons fait notre philosophie : être maître chez soi. Hervé Guillerm, président de la Coordination rurale Bretagne
Une exception agri-culturelle
Nous demandons l’exception agri-culturelle. Elle permettrait de protéger les produits alimentaires de la spéculation boursière et financière. C’est une forme de protectionnisme légitime et responsable. Nous pensons que l’agriculture est plus vitale que la culture. L’industrie cinématographique en bénéficie et reste très performante. Certains pays ont moins de scrupules à protéger leur marché. La Russie a instauré un embargo qui a profité à son développement agricole. Elle est en passe d’être autosuffisante en production porcine et nous concurrencera demain en Chine. Elle devient le premier exportateur de blé et pourrait nous priver de notre débouché en Algérie. Annoncée comme un eldorado pour nos exportations de viande ou de lait, la Chine réduit ses importations et construit des usines à viande (élevages de 24 000 truies). Il nous faut une régulation intelligente et flexible, à l’image de ce que font les pays de l’Opep avec le pétrole. Nous demandons également l’instauration d’une TVA sociale qui favoriserait la relocalisation de la production (poulet, par exemple) et ferait participer les importations à notre protection sociale.Véronique Le Floch, agricultrice CR