La diminution du nombre d’agriculteurs et de fermes est couplée à un processus d’éclatement des formes d’exploitations. Faire converger les intérêts des différents modèles ne sera pas simple.
« 1,8 % : c’est la part que représentent aujourd’hui les exploitants et co-exploitants agricoles dans la population active française, alors qu’ils représentaient la moitié de la population au début du XXe siècle et encore 1/3 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale », a chiffré Bertrand Hervieu, président de l’Académie d’Agriculture de France et ancien président de l’Inra. Il est intervenu lors de la session de la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine, lundi 26 novembre à Rennes.
Une minorité parmi les autres
« La productivité agricole est en augmentation continue depuis plus de 50 ans. Alors que l’agriculture n’a jamais produit et exporté autant, la population agricole devient une minorité parmi les autres minorités qui constituent la société moderne », a-t-il constaté. « Cette situation est d’autant plus difficile à vivre pour les agriculteurs que leurs pratiques sont remises en cause. Et d’autant plus douloureuse qu’elle est, pour une part au moins, la conséquence d’un processus de modernisation qui a été collectivement désiré et conquis. » Aujourd’hui, les agriculteurs sont réinterrogés sur ce qu’on attend d’eux.
Autre chiffre donné par Bertrand Hervieu : le nombre d’exploitations françaises en 2016, de 437 000, en baisse de près de 2 % par an sur six ans. « Si les deux tiers des exploitations demeurent aujourd’hui des exploitations à caractère familial, ce modèle est aujourd’hui fragilisé. Pour des raisons économiques mais aussi culturelles. L’autonomie du couple et de l’individu est fortement revendiquée. Une enquête réalisée par le chercheur Nicolas Deffontaines a mis en évidence le fait que le suicide plus important en agriculture est bien moins lié aux conjonctures qu’aux tensions intergénérationnelles et dans la famille. » Pour l’intervenant, « il n’y a pas de nostalgie à avoir de l’exploitation familiale. Ce n’est pas un modèle indépassable. »
[caption id= »attachment_38008″ align= »aligncenter » width= »720″] Loïc Guines, président de la FDSEA 35 et tête de liste FDSEA / JA aux élections de la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine, a salué l’engagement de Marcel Denieul sur son mandat de six ans en tant que président de la Chambre d’agriculture.[/caption]
Les formes sociétaires assurent les ¾ de la production
Un autre modèle s’est développé progressivement : les formes sociétaires qui représentent aujourd’hui 36 % des exploitations, 64 % de la SAU et 61 % de la force de travail agricole. Elles assurent les ¾ de la production. » Et y compris en France, un modèle d’«agriculture de firme » perce aussi, avec des logiques capitalistes, voire financiarisées. « Ce type d’agriculture est présent sur les grands marchés mondiaux des matières premières. »
Impact culturel
À côté, se créent aussi de petites entreprises, proposant une alternative aux modes de production et consommation dominants (vente directe…). « Elles sont souvent initiées par des acteurs non issus du monde agricole. Leur portée économique est faible, mais elles ont un fort impact culturel, répondant aux attentes sociétales. »