« En Bretagne, on ensilera le maïs début août à la fin du siècle »

Dans un contexte de réchauffement climatique, l’herbe en Bretagne devrait bénéficier d’une pousse précoce et vigoureuse en sortie d’hiver. Mais son développement annoncé difficile en été fera du maïs une plante fourragère bien adaptée aux enjeux alimentaires des exploitations laitières. - Illustration « En Bretagne, on ensilera le maïs début août à la fin du siècle »
Dans un contexte de réchauffement climatique, l’herbe en Bretagne devrait bénéficier d’une pousse précoce et vigoureuse en sortie d’hiver. Mais son développement annoncé difficile en été fera du maïs une plante fourragère bien adaptée aux enjeux alimentaires des exploitations laitières.
Dans un contexte de changement climatique sensible, la culture du maïs en Bretagne devrait tirer son épingle du jeu. Explications avec Jean-Christophe Moreau, spécialistes des systèmes fourragers à Idele – Institut de l’élevage.

À l’Institut de l’élevage, vous suivez, entre autres, des travaux concernant le changement climatique. Quelles sont les prévisions attendues en Bretagne ?

[caption id= »attachment_38332″ align= »alignright » width= »151″]Jean-Christophe Moreau, Idele – Institut de l’élevage. Jean-Christophe Moreau, Idele – Institut de l’élevage.[/caption]

Jean-Christophe Moreau : Concernant les températures, les modèles des climatologues sont assez unanimes, il fera plus chaud partout en France. Même si la Bretagne et le Cotentin doivent être les régions les plus épargnées, cela ne suffira pas à les préserver des effets du changement climatique. Conséquence, il est à près certain que l’évapotranspiration potentielle (ETP) va augmenter. C’est ce phénomène en particulier qui provoquera davantage de sécheresses, notamment sur le Sud-Bretagne ou le bassin de Rennes.

Selon le scénario RCP 8.5 du Giec (prédiction du taux de CO2), pessimiste mais pas irréaliste, la température va augmenter jusqu’à + 4 degrés en fin de siècle. Cela va arriver de manière progressive : on prévoit déjà + 1,5 degré à horizon 2030 si de véritables efforts ne sont pas réalisés. Le taux de CO2 de l’atmosphère est actuellement de 400 ppm, à ce rythme-là, en fin de siècle il aura plus que doublé, toute chose égale par ailleurs.
Les prévisions montrent davantage d’incertitude en termes de pluviométrie. Mais la tendance serait à une baisse assez conséquente des précipitations à la fin du siècle.

La Bretagne ne serait pas épargnée par ces hypothèses. Dans le Sud-Ille-et-Vilaine où il pleut aujourd’hui nettement moins que dans l’ouest de la Bretagne, il y a déjà un déficit hydrique fréquent. Ce dernier va s’accroître au fil du temps, autant si ce n’est davantage par l’augmentation de l’ETP que par la baisse de la pluviométrie.

Dans ce contexte, quel impact sur une culture fourragère comme le maïs, importante dans la région pour de nombreux éleveurs ?

J.-C. M. : D’abord, les agriculteurs bretons pourront sans doute implanter leur maïs plus tôt : les dates de semis actuelles pourraient être avancées de 15 à 20 jours à la fin du siècle. Sèmera-t-on les mêmes variétés ou de plus tardives au développement plus long pour gagner un peu de rendement ? Il est au moins évident que les cycles de végétation seront plus courts. Même en Bretagne, on peut imaginer que les dates d’ensilage moyennes pourraient être avancées du 15 septembre au 5 ou 10 août en fin de siècle. Un des paramètres qui pourrait jouer en faveur du maïs est sa floraison qui interviendra de manière plus précoce risquant moins d’exposer ce stade de grande sensibilité à la sécheresse.

Sans oublier qu’avec un cycle de production raccourci, la culture dégagera plus tôt le sol pour implanter derrière une prairie, un méteil ou une dérobée d’automne. Enfin, les chercheurs tirent des hypothèses avec un matériel végétal constant, mais les semenciers travaillent déjà sur ces problématiques : on peut imaginer que les maïs soient de plus en plus résistants au stress hydrique. Même s’il n’y a pas de miracle, il faudra un minimum d’eau pour le cultiver. La partie s’annonce plus compliquée pour les céréales à paille, par exemple, dont les rendements plafonnent déjà depuis 15 ans à cause de l’échaudage thermique, phénomène qui touche tout le monde.

Et concernant les autres types de fourrages ?

J.-C. M. : En Bretagne, la courbe de croissance de l’herbe va se déformer : il y aura plus d’herbe plus tôt avec un redémarrage de la végétation plus précoce après l’hiver. Dans le Léon (29), tamponné par la mer, le phénomène sera moins sensible. Cela sera plus remarquable dans le Sud-Ille-et-Vilaine par exemple. À l’extrême ouest de la Bretagne, il y aura peut-être des possibilités de pâturage d’hiver non négligeables.

L’augmentation du CO2, gaz à effet de serre, dans l’atmosphère aura au moins un effet positif, l’efficience de la photosynthèse sera améliorée en présence d’eau et de température pas trop élevée. Cela assurera une pousse vigoureuse au printemps et la mise à l’herbe sera plus précoce. Par contre, la prairie sera beaucoup plus pénalisée en été. Et comme on ne pourra pas cultiver en substitut que de la luzerne, plante résistant très bien à la sécheresse, le maïs sera toujours bien présent sur la carte des fourrages en Bretagne. D’autant que si les troupeaux continuent à grandir sans augmentation en parallèle de surface accessible en herbe, la tendance ira vers plus de stocks et donc peut-être vers plus de maïs.

Des sorghos DMR, une des alternatives les plus crédibles en cas de manque d’eau, ont déjà été testés en Bretagne. Aujourd’hui, l’ensilage de sorgho grain, fourrage bien ingéré, se pratique jusqu’en Poitou-Charentes. Cette limite nord de la culture va progresser : dans 30 ou 40 ans, elle atteindra probablement le sud de la Bretagne. Enfin, la betterave fourragère pourrait revenir dans les assolements bretons. Pâturée plutôt que récoltée à cause du besoin en main-d’œuvre ? C’est une plante qui tient bien le coup face à la sécheresse.


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