Non-délivrances : vigilance au tarissement

Le processus complexe qui conduit à l’expulsion de la délivre débute un mois avant la mise bas. - Illustration Non-délivrances : vigilance au tarissement
Le processus complexe qui conduit à l’expulsion de la délivre débute un mois avant la mise bas.
On parle de non-délivrance ou de rétention placentaire lorsque la délivre n’est pas expulsée au bout de 24 heures après vêlage. Les vaches y sont plus prédisposées que d’autres espèces animales, car leur placenta est de type cotylédonaire.

Le placenta est « fixé » à la matrice par des sortes de boutons appelés cotylédons. Les conséquences de la non-délivrance sur la reproduction sont systématiques, avec, a minima, un intervalle vêlage-vêlage augmenté de 10 à 20 jours.

Les raisons d’une non-délivrance

Le processus complexe qui conduit à l’expulsion de la délivre débute un mois avant la mise bas. On parle de maturation placentaire. Entrent en jeu des modifications hormonales, suivies de réactions immunitaires et enzymatiques qui fragilisent progressivement ces points d’attache que sont les cotylédons. L’action mécanique des contractions utérines du vêlage finit de désengrener le placenta de la matrice. Toute altération d’un ou plusieurs de ces mécanismes peut être à l’origine d’une rétention placentaire. En premier lieu, bien évidemment, toutes les causes de vêlages anormaux, telles que les vêlages prématurés parce que la maturation placentaire n’est pas achevée ou les manipulations obstétricales lors de vêlages difficiles. Elles sont à l’origine d’une inflammation du placenta qui gêne son décrochage et l’expose, ainsi que la matrice, à l’infection. Ces situations sont en général épisodiques.

Bien souvent, quand le nombre de non-délivrances devient important, c’est un bon coup d’œil aux vaches taries qui permet de trouver la solution. Certes, il ne faut pas oublier les éventuelles causes infectieuses, même si peu fréquentes et souvent associées à des avortements. Dans la majorité des cas, c’est l’alimentation au tarissement qui n’est pas adaptée. Les apports minéraux sont à vérifier en premier : permettent-ils de prévenir le risque d’hypocalcémie post-partum ? La calcémie est plus faible chez les vaches qui ne délivrent pas. Or, le calcium intervient dans les réactions enzymatiques de maturation du placenta. Il intervient aussi dans les mécanismes de contractions musculaires. Attention également à l’état d’embonpoint des vaches taries au vêlage. Trop maigres ou trop grasses, elles auront plus de mal à délivrer. Enfin, ne pas oublier le rôle des vitamines et oligo-éléments, par carences d’apports ou excès d’utilisation lors de stress oxydatif.

[caption id= »attachment_38084″ align= »aligncenter » width= »456″]Le placenta est « fixé » à la matrice par des sortes de boutons appelés cotylédons Le placenta est « fixé » à la matrice par des sortes de boutons appelés cotylédons[/caption]

La prise en charge

Que faire face à une vache qui n’a pas délivré ? Il existe différentes solutions thérapeutiques dont les résultats peuvent être aléatoires. La délivrance manuelle est également controversée car le risque d’introduire des microbes dans la matrice, et donc d’aggraver la situation, n’est pas négligeable. Le mieux est de convenir avec votre vétérinaire d’un protocole d’actions et d’en évaluer les résultats. Et surtout, il est fondamental de surveiller votre vache et sa température dans les jours qui suivent le vêlage.

Si l’approche individuelle est incontournable, il est indispensable, en parallèle, de connaître l’impact des non-délivrances sur le troupeau. Pour un élevage de 100 vaches laitières à 30 % de non-délivrances (voir tableau), les conséquences financières deviennent importantes et justifient que l’on s’intéresse de près au problème. Attention donc quand le seuil des 10 % de rétentions placentaires en élevages laitiers, et 5 % en élevages allaitants est dépassé. Cela justifie de mettre en place des mesures préventives.

Bilan tarissement : agir avec méthode

Pourquoi insiste-t-on depuis plusieurs années sur l’importance de distribuer une ration particulière aux vaches taries ? Parce que les enjeux du post-partum sont déterminants sur la santé et les performances de la vache. On cherchera donc à couvrir les besoins de la vache en fin de gestation pour éviter les variations de poids, maximiser la capacité d’ingestion, booster l’immunité de la vache et du veau par une augmentation des apports en oligo-éléments et vitamines, prévenir les hypocalcémies… Face à un problème de non-délivrances, c’est le premier point à vérifier et, si la ration des taries n’est pas adaptée, chercher à la corriger. L’objectif est de jouer sur les apports minéraux pour mobiliser le calcium osseux et augmenter son absorption intestinale. On
y parvient en utilisant des solutions nutritionnelles spécialement adaptées.

Il arrive cependant que la ration semble calée sur le papier, mais que le problème persiste. C’est en mesurant les pH urinaires des vaches en fin de tarissement que l’on peut vérifier si les conditions requises sont obtenues ou pas. En effet, ces rations dites baca négative acidifient le sang de la vache et donc ses urines. Un pH supérieur à 7,5 sur plusieurs taries signifie que l’objectif n’est pas atteint, bien souvent parce que les teneurs en potassium des fourrages sont trop importantes. Attention également aux apports de calcium ; s’ils sont moins importants chez la tarie, il faut quand même couvrir les besoins, sinon attention aux non-délivrances. Ce sont des situations rencontrées quand, notamment, la teneur réelle des fourrages en calcium est inférieure aux valeurs des tables d’alimentation.

Par ailleurs, il importe de vérifier le bilan énergétique en fin de tarissement. On peut l’apprécier par l’évolution de l’état des vaches taries ou, plus précisément, par des analyses de sang (dosages des corps cétoniques, des acides gras non estérifiés). Quant à la partie oligo-éléments et vitamines, même approche que pour les minéraux, il faut couvrir les besoins dans un premier temps. Pour la prévention des non-délivrances, on va s’intéresser au sélénium, au zinc, au cuivre, à l’iode, aux vitamines A, C et E, au bétacarotène. Là aussi, même si les besoins sont couverts par une complémentation minérale adaptée, des fourrages carencés peuvent perturber le résultat. Derrière un problème de non-délivrances peuvent se cacher des origines diverses.

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Hélène Commeil / Vétérinaire Triskalia


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