De nombreuses start-up et entreprises, non issues du milieu agricole, s’intéressent au développement de solutions technologiques aidant le producteur dans sa prise de décision.
Difficile pour le visiteur du dernier Sival, salon dédié aux productions végétales et en particulier des fruits et légumes, de ne pas tomber nez à nez avec des nouvelles technologies, composées de capteurs, caméras et autre applications sur Smartphone. Si les solutions alternatives, comme le désherbage mécanique, ont pendant longtemps été à l’honneur sur le salon, les nouveaux outils numériques bouleversent aujourd’hui la tendance.
Le producteur de légumes de 2019 peut maintenant compter sur des OAD (outils d’aide à la décision) précis, des sondes de température fiables ou des caméras détectant les insectes nuisibles dans les champs. La précision des prévisions météorologiques n’est pas en reste, comme le montre le système de prédétection de gelée développé par la société Weenat : en mesurant les températures sèches et humides, la station météo placée dans la parcelle prévient tous les quarts d’heure le producteur du risque de gel.
« Si un risque est avéré, les temps de mesure s’accélèrent », explique Jérôme Le Roy, créateur de la société basée à Nantes (44). Mieux, les stations sont connectées entre elles ; si bien que le réseau de stations météorologiques améliore de 20 à 40 % les estimations de précipitation et de températures. Chez des utilisateurs basés dans les Charentes, les boîtiers dans les champs envoient les informations en bas débit. « Les producteurs se situant à 1 h du bord de mer sont alors prévenus de l’arrivée de pluies ». Enfin, ces relevés s’avèrent très utiles en cas de tempêtes ou d’inondations, en vue de déclarations de dégâts aux assurances, comme ce fut le cas à l’automne dernier dans le secteur de Morlaix (29), théâtre de forts cumuls de pluie dans un laps de temps très court.
Si l’outil Weenat propose des plages optimales de positionnement de traitement des cultures (fongicide, herbicide ou insecticide), avec mesures du vent et de l’hygrométrie, la place des techniciens conseillers peut se poser avec ces équipements dernier cri. Ces données bouleversent en effet les pratiques. Le métier de conseiller « va se transformer. On recherchera plutôt des coachs, les conseillers monteront en compétence ». Le temps gagné grâce au recueil de données laissera plus de place à un temps d’optimisation de la production, comme en chou-fleur ou les calculs de cumul de température indiqueront une date de maturité des pommes.
Souriez, vous êtes filmé
Les pièges à insectes évoluent eux aussi dans ce sens, en se dotant de caméras capables de détecter les mouvements du ravageur pris au piège. La solution développée par le Français Cap 2020 attire le ravageur grâce à l’émission de phéromones. Un capteur intelligent détecte cette présence et analyse le mouvement de l’insecte pour un comptage précis. Les données sont ensuite envoyées au producteur pour lui signaler le nombre d’insectes piégés. Cindy Lassoureille, ingénieur dans cette société bordelaise, constate que « la collecte de données se développe, il faut maintenant savoir quoi en faire. Les solutions de bio-contrôle demandent des interventions à des moments précis, ces outils préviennent le producteur du moment opportun pour intervenir ».
Le capteur hyperspectral reconnaît l’adventice
« Nous avons travaillé sur la conception d’un capteur hyperspectral capable de détecter et de discriminer les adventices », explique Nicolas Rodriguez, responsable marché pilotage désherbage chez Carbon Bee. Ce capteur est capable de reconnaître une adventice particulière dans une culture donnée. C’est le cas de l’ambroisie, reconnue par le boîtier du stade plantule au stade grenaison. Dans les essais de mise au point du dispositif, l’outil a été capable de reconnaître 144 ambroisies, sur 164 présentes en tout dans la parcelle, mais surtout parmi 2 000 adventices au total. La société travaille sur une utilisation en temps réel, avec un capteur placé directement sur la rampe du pulvérisateur et qui donne l’ordre de moduler la dose appliquée de solution chimique ou de biocontrôle suivant l’infestation en mauvaises herbes de la culture.
Si toutes ces technologies nomades ont un coût, les fondamentaux techniques ne doivent pas être oubliés. Pour Agnès Chanteau Foucher, de l’entreprise IF Tech, « mieux vaut réapprendre le fonctionnement de son sol avant d’utiliser ces nouvelles technologies. Il reste encore beaucoup de pédagogie à faire », pense la responsable. Les cultures légumières de demain s’appuieront sur cette double compétence des producteurs, capables d’intervenir quand il faut, par l’expérience et la technicité acquises mais aussi par les données collectées par ces outils.
De la binette au drone
Ces nouvelles technologies sont là aussi pour soulager les travaux et améliorer les conditions de travail. Il y a une dynamique d’enclenchée. Ces start-up présentes au salon facilitent la vie et les prises de décision. Mais il faut rester pratico-pratique, le Sival présente des outils qui vont de la binette au drone : il faut garder la tête sur les épaules et ne pas oublier cette complémentarité. Ce salon angevin marie aussi l’arboriculture, le maraîchage et la viticulture. Ce dernier domaine dispose de forts moyens financiers qui poussent à la modernité, autant en profiter : des produits communs ont été adaptés du milieu de la vigne, pour être utilisés dans d’autres métiers. Enfin, le Sival est un lieu où les 654 exposants internationaux s’interpellent entre eux, les développeurs français échangent beaucoup avec l’étranger. C’est un petit plus.Bruno Dupont, président du Sival