Une Europe « agro-écologique » est possible

Selon le scénario de l’Iddri, l’élevage garde sa place, avec une diminution de 40 % des gaz à effet de serre. - Illustration Une Europe « agro-écologique » est possible
Selon le scénario de l’Iddri, l’élevage garde sa place, avec une diminution de 40 % des gaz à effet de serre.
L’Iddri a présenté à l’Assemblée nationale ses travaux sur le développement d’une agriculture durable et sans produits phytosanitaires d’ici 2050.

« Un projet comparable à l’agriculture d’après-guerre » : c’est ainsi que les auteurs du projet Tyfa (Ten years for agroecology in Europe) définissent la transition « agroécologique » de l’agriculture européenne. Ce projet, mené par l’Iddri (Institut de recherche en sciences politiques), a pour objectif de
modéliser une transition écologique de l’agriculture européenne, d’ici à 2050. La présentation en a été faite à l’Assemblée nationale.

Un nécessaire changement des habitudes alimentaires

Les chercheurs de l’Iddri ont basé leur approche de l’agro-écologie sur plusieurs critères : zéro produit phytosanitaire, zéro engrais de synthèse, avec un développement d’un élevage bovin extensif, associé à un redéploiement des prairies naturelles. L’objectif de cette transition est de diminuer les gaz à effet de serre rejetés par l’agriculture (méthane et azote principalement), tout en protégeant biodiversité, environnement et santé humaine.

Autant d’objectifs qui doivent être menés sans menacer la sécurité alimentaire de la population européenne, qui devrait augmenter d’ici 2050. Or, le passage à une agro-écologie, telle que définie par les auteurs de l’étude, devrait faire baisser certains rendements, dont ceux des céréales, qui devraient diminuer « entre 25 et 50 % ».

Malgré ce dilemme, les chercheurs l’affirment : « Cette transition est possible ». À une seule condition néanmoins : un changement drastique du régime alimentaire moyen des Européens. Le scénario propose d’aligner l’alimentation européenne sur celle préconisée par les agences de santé. « Les régimes alimentaires actuels comportent trois fois trop de sucre, deux fois trop de protéines et sont déficitaires en fruits et légumes et fibres », précisent les auteurs.

L’élevage a toute sa place

Une diminution de la consommation de protéines animales diminuerait les besoins en céréales, massivement utilisées pour l’alimentation animale. Les pertes de rendements de ces productions, dues au passage à l’agro-écologie, auraient donc moins d’effets. À cela doit s’ajouter un redéploiement de production de fruits et légumes et de légumineuses. Pour autant, les auteurs ne veulent pas de la disparition de l’élevage.

Dans leur scénario, la production de viande bovine devrait stagner, tout en devenant plus extensive, afin de favoriser les prairies naturelles et pâturées. Ces prairies permettent de stocker du carbone, mais également de fournir de l’engrais naturel aux cultures. Les productions de porcs et de volaille devraient au contraire décliner. Selon les scientifiques, ce scénario aboutirait à une diminution de 40 % des gaz à effet de serre. Mais l’hypothèse, extrêmement forte, d’un changement des habitudes alimentaires des Européens nécessite des « choix politiques », sur la politique agricole commune notamment.

« L’Europe doit protéger ses agriculteurs »

Un ordre d’action doit par ailleurs être respecté. C’est d’abord l’équilibre alimentaire européen qu’il faut changer, avant d’enclencher la transition agro-écologique de l’agriculture, expliquent-ils. Sans quoi, les pertes de rendements des céréales risquent d’avoir « des conséquences désastreuses ».

Par ailleurs, cette transition nécessite un « changement de la politique commerciale européenne ». Les auteurs préconisent de « jouer sur les barrières non tarifaires », afin de les baser « non plus sur le caractère intrinsèque de la marchandise importée, mais sur son processus de production. » Sans ce changement de paradigme commercial, la transition devrait se traduire par une logique de substitution par des exportations, et donc, à terme, d’un affaiblissement de l’agriculture européenne. « L’Europe doit protéger ses agriculteurs », résument les chercheurs.


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