Écrire les orientations que l’on souhaite donner à son entreprise agricole permet de savoir d’où l’on part pour définir où on veut aller. Il est important d’avoir des projets pour conserver un outil performant et transmissible.
« J’ai toujours aimé avoir au moins un projet dans les tuyaux », témoigne Yves Chasles, éleveur de porcs à Mauron (56). Son dernier gros projet a débuté en 2012 avec l’extension de son élevage pour asseoir sa structure. « J’ai investi 3 millions d’euros pour passer mes truies gestantes en liberté. J’en ai profité pour basculer de 400 truies et 70 % des engraissements réalisés sur l’exploitation à 700 truies et 100 % des charcutiers engraissés sur site. À l’époque, j’avais 49 ans et je me suis dit que si cela ne profite pas à mes proches ce sera pour des tiers. Il faut continuer d’avoir des projets pour que l’outil reste performant et transmissible. » Avec du recul, Yves Chasles, se rend compte que d’avoir des projets et de l’ambition a donné à ses enfants une image positive de son métier et de son travail au quotidien. Pour preuve, un de ses fils l’a rejoint récemment sur l’élevage et un autre de ses garçons est en cours d’installation.
L’agrotourisme a fait changer le mode d’élevage
Philippe Carfantan est éleveur de pondeuses à Henanbihen (22) avec sa femme. Ils possèdent aussi une activité d’agrotourisme sur leur exploitation. C’est le contact avec les touristes qui les ont poussés à changer de mode d’élevage dès 2011. « Cette activité de tourisme avec des gîtes et des cabanes dans les arbres représente entre 4 000 et 5 000 personnes dans nos logements chaque année. Jusqu’en 2011, nos pondeuses étaient élevées en cages. Avant les années 2000, les vacanciers étaient agréablement surpris de voir nos systèmes automatisés. Puis, nous avons eu des remarques de plus en plus fréquentes sur les conditions d’élevage de nos poules. »
En 2011, les éleveurs prennent donc la décision de transformer le bâtiment cage en volière plein air plutôt que de partir sur de la cage aménagée. Quelques années plus tard, ils arrêtent la production porcine pour construire un poulailler de 12 000 pondeuses bio. « Il est primordial de soumettre son projet à des avis extérieurs pour réfléchir d’une autre façon. Il faut sortir de chez soi, se remettre en cause et être en veille pour se donner un maximum de chances de réussir et de ne pas se tromper », déclare Philippe Carfantan.
Construire un plan d’actions
« Celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre », citation de Sun Tzu, reprise par Jean-Pierre Moreau, directeur d’Altéor Stratégie en ouverture du forum projets « bâtissons votre avenir », organisé par Sanders Bretagne fin janvier à Saint-Gilles (35). Il est primordial pour un agriculteur de se poser et de se projeter sur l’évolution de son entreprise à horizon 3 ou 5 ans. C’est bien de mettre son projet noir sur blanc avec ses associés, son conjoint et de se faire accompagner d’un conseiller si besoin. « Lorsque j’interviens sur une exploitation, je définis les fondements de la réflexion stratégique avec les agriculteurs. Pourquoi installer un robot de traite, pourquoi acquérir 100 ha supplémentaires, pourquoi doubler le troupeau ? Ensuite, nous échangeons sur la manière d’atteindre les objectifs fixés en construisant un plan d’actions sur plusieurs années », explique Jean-Pierre Moreau.
Un agriculteur qui écrit les orientations qu’il souhaite donner à son entreprise sait d’où il part et où il veut aller. Pour l’expert-conseil en entreprise, il existe plusieurs axes stratégiques : la croissance qui se caractérise par un développement de la production, l’alliance qui consiste à s’associer pour réaliser des économies d’échelle, la diversification en créant un nouvel atelier (vente directe, méthanisation…), la rentabilité en recherchant à optimiser les coûts ou encore la valorisation qui peut passer par une conversion en bio, le développement d’un marché de niche ou en finissant ses vaches de réforme. « Mais la stratégie d’entreprise doit être un fil rouge et pas un fil à la patte. Dans tous les cas, avoir un projet permet de faire plus facilement face aux problèmes du quotidien. »
Les projets sont l’avenir
Les projets sont l’avenir, nous devons bâtir nos filières d’élevage afin de garder des productions animales sur notre territoire. Sanders Bretagne a accompagné 300 projets ces 3 dernières années en volaille de chair, pondeuse, ruminant, porc et lapin. Aujourd’hui, dans la conception de son projet, il faut tenir compte de nouveaux enjeux et notamment des attentes sociétales. Si le bien-être animal doit être une priorité, il ne faut pas négliger le bien-être des éleveurs en préservant leur qualité de travail. La concrétisation d’un projet est souvent l’engagement d’une vie et de toute la famille. Pour le mener à bien, il est primordial de bien s’entourer : partenaires pour assurer des débouchés, fournisseurs, maître d’œuvre, banques, assurances, centre de gestion, constructeur… Il faut aussi savoir communiquer positivement sur son projet pour l’expliquer de manière à convaincre les différents partenaires et le voisinage.Hugues Mongé, directeur Sanders Bretagne