Qu’il est difficile de se projeter dans le futur. Car nous sommes tous intellectuellement parasités par des références du passé et du présent qui nous emprisonnent et nous empêchent de voir loin devant ; et surtout de côté, tant nous sommes conditionnés à regarder tous dans la même direction. Sans compter que l’homme a tendance à imaginer l’avenir en lorgnant dans le rétroviseur ; car le passé connu est toujours plus sécurisant que le futur incertain. Or, le futur n’est jamais une construction du passé ; pas plus que du présent. Conscientes de ces carcans intellectuels, et pour se détacher des pensées communes, certaines entreprises embauchent des poètes, des artistes, des rêveurs dont la réflexion n’emprunte pas naturellement le chemin balisé de leurs contemporains. Dans ces esprits décalés germent souvent des idées a priori farfelues pour les cartésiens, mais qui peuvent s’avérer le terreau fertile de beaux projets.
Certes, la plupart des agriculteurs n’ont pas les moyens financiers de payer un ménestrel à jouer du pipeau sur un round de paille. Mais les organisations agricoles qui donnent dans la prospective ne sont pas davantage disposées à embaucher des poètes à la place des ingénieurs agricoles. Tout juste croise-t-on très rarement un intervenant un peu baroque à une assemblée générale. Le monde agricole est tellement imprégné par un demi-siècle de travail axé sur la production et les volumes qu’il a du mal à regarder ailleurs. Quoique. La campagne électorale qui s’est achevée hier, a pour la première fois abordé des sujets plus sociétaux qui incontestablement modifieront la trajectoire de l’agriculture dans les années à venir. Ces sujets effleurés en 2019 risquent fort de devenir centraux d’ici 2025. Il faut s’y préparer.