Soizic Trotel nous livre pourquoi elle a choisi de prendre des responsabilités professionnelles en agriculture et ce que cela lui apporte.
« Après mon installation en 2002, j’ai découvert un métier exigeant, complexe et multiple : il faut être à la fois directeur, cadre et ouvrier de son entreprise. Il faut être tour à tour éleveur, chauffeur, mécanicien, comptable, assistant vétérinaire, commercial… Bref des journées bien remplies ! Mais j’ai pu concilier ce métier avec ce qui m’a toujours paru primordial : ma vie de famille. Même si ce métier est prenant, il m’a permis d’être, avec mon mari, parent à temps complet.
Bien que m’épanouissant dans cette profession, dans ce qu’elle proposait, je me sentais un peu isolée dans un environnement professionnel essentiellement masculin. Aussi suis-je devenue membre du comité de pilotage d’Agriculture au féminin. Au contact de femmes engagées, qui avaient des mandats professionnels et qui œuvraient auprès de nos confrères pour le monde agricole, j’ai eu, moi aussi, envie d’aller plus loin. Je suis depuis cinq ans, administratrice dans une OPA. L’engagement est prenant, demande une bonne organisation et une adhésion commune au sein de l’exploitation. Mais il est gratifiant, il m’apporte beaucoup humainement : un travail et une réflexion collective pour la coopérative et ses adhérents, une ouverture et un respect envers les autres. Malgré l’enthousiasme, la bonne volonté, l’envie de bien faire, l’engagement est parfois mis à mal par les réalités macro-économiques, les frustrations de ceux dont on défend les intérêts et notre propre frustration parfois. Car comme le dit E. Hawke : « Tout engagement génère des compromis, et il est évidemment facile de rester soi-même en ne faisant rien. » Alors à quoi sert-il de s’engager, de continuer à s’engager pour les autres ? Je répondrai : « Tout seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin ».
Nos situations professionnelles sont parfois difficiles, les ennuis relationnels, économiques et financiers peuvent nous amener à nous replier sur nous-mêmes. L’engagement, qu’il soit professionnel ou personnel, nous permet de nous ouvrir à l’autre, de mieux le comprendre, de l’aider et par là même se sentir utile, acteur de la société dans laquelle nous vivons, à donner une image positive de l’agriculteur ou l’agricultrice.
Nous pouvons nous engager pour notre profession pour défendre nos intérêts communs, nous engager pour les agriculteurs et agricultrices, dans les associations de nos communes pour aller à la rencontre des autres professions et faire connaître notre « monde », voire dans des associations qui aident au développement du monde paysan dans d’autres pays. Toute action est déjà un début d’engagement. N. Petrowski résumait ainsi que « l’engagement est un mur conçu expressément pour que l’on fonce dedans ! »
La place des femmes, des agricultrices dans tous ces engagements, dans la solidarité, n’est pas à démontrer, il est. La compétence vient de l’engagement et non l’inverse. L’engagement n’est pas lié à une représentativité chiffrée, il naît d’une envie, d’une volonté. Alors je terminerai par une citation de Paulo Coelho : « Le bon combat est celui engagé parce que notre cœur le demande ». »
Soizic Trotel, agricultrice à Saint-Cast-le-Guildo (22)