Alimentation, climat, les lycéens s’interrogent

Le syndicat mixte du Grand Bassin de l'Oust (56) organisait une journée d'échange, vendredi dernier, lors de la journée mondiale de l'eau, en présence de lycéens d'établissements généraux et agricoles, de professeurs et de Joël Labbé, sénateur du Morbihan. - Illustration Alimentation, climat, les lycéens s’interrogent
Le syndicat mixte du Grand Bassin de l'Oust (56) organisait une journée d'échange, vendredi dernier, lors de la journée mondiale de l'eau, en présence de lycéens d'établissements généraux et agricoles, de professeurs et de Joël Labbé, sénateur du Morbihan.
Changement climatique, baisse de la biodiversité, qualité de l’alimentation, les jeunes s’inquiètent. Leurs professeurs en parlent. Des lycéens de Ploërmel échangent avec Joël Labbé*, sénateur.

La jeune norvégienne Greta Thunberg fait des émules. De nombreux lycéens sont descendus dans la rue, lors de la marche pour le climat, pour interpeler les responsables politiques et les adultes. Ils bousculent les habitudes. « Nous avons eu un temps d’échange à leur demande, suite à la manifestation », indique un professeur de Sciences et vie de la terre, d’un lycée général de Ploërmel. « Ces échanges ont débouché sur des objectifs concrets : mettre en place des actions environnementales au niveau du lycée et de la commune ». Les conclusions de ces travaux n’ont pas encore été rendues « mais ils ont d’ores et déjà demandé une audience au maire ». Bien décidés à agir. La prise de conscience ne date pas d’il y a quinze jours, assure Ronan Petton, directeur du lycée La Mennais (Ploërmel). « Ils réfléchissent à leur environnement, se responsabilisent. Parfois, il y débat : nous avons demandé à nos élèves s’ils souhaitaient que le lycée instaure un repas végétarien une fois par semaine. L’écrasante majorité a répondu favorablement. Quelques-uns n’en voulaient pas. C’étaient majoritairement des enfants d’agriculteurs… »

Pour Laurent Bouëdec, directeur du collège du Sacré Cœur, les parents sont souvent à l’origine des demandes d’une alimentation bio, produite localement. « C’est bien mais les parents qui font partie des commissions cantines ne sont pas forcément représentatifs de l’ensemble de la population. Nous devons tenir compte des prix de revient ». Alain Guillotel, vice-président du syndicat du Grand bassin de l’Oust (56), et éleveur de lapins, prévient : « Il faut faire attention aux dérives. C’est bien de pouvoir en parler avec les élèves, qu’ils puissent rencontrer des scientifiques dans le cadre scolaire pour ramener les vérités sur l’agriculture et l’élevage. Sur les réseaux sociaux, ils entendent tout et n’importe quoi ».

Libre échange

Des élèves des lycées La Mennais (général) et La Touche (agricole) ont fait part de leurs préoccupations et de leurs critiques à Joël Labbé. « Le gouvernement nous recommande de manger local ou, au moins, français. Pourquoi alors signer des contrats de libre-échange avec le Canada ou le Mercosur ? ». Le sénateur écologiste rural, comme il se définit, en opposition aux écolos bobos des centres- villes, acquiesce et explique que la viande de bonne qualité française sert de monnaie d’échange pour vendre des voitures européennes. « Pourquoi les produits locaux sont plus chers que les produits importés ? », questionnent les lycéens.

« Pourquoi exporter autant de matières agricoles ? Pourquoi autant d’échanges en tous sens ? ». L’ancien maire de Saint-Nolff (56) boit du petit-lait et dénonce la libéralisation à outrance. « C’est un système hors-jeu. Nous exportons des volailles en Afrique qui concurrencent les aviculteurs locaux. Dans le même temps, 90 % des volailles consommées dans la restauration collective française sont importées. Nous exportons des céréales et nous importons l’équivalent d’un million d’hectares de soja génétiquement modifié pour résister au glyphosate, un herbicide que nous prévoyons d’interdire. Nous devons produire des protéines en Europe et assurer une réelle autonomie alimentaire ».

Rendements en bio

Joël Labbé ne condamne pas l’élevage, du moins extensif : « La végétalisation suppose de cultiver les fonds de vallée. Ceux-ci doivent rester en prairies pour préserver la qualité des eaux et fournir de la protéine animale de qualité ». Certaines questions sont plus piquantes : « Vous prônez la bio, mais comment nourrir le monde avec une agriculture biologique qui a de faibles rendements ? », demande un élève du lycée agricole. « La perte de rendement, sur le moyen terme, est estimée à 10 % », répond le sénateur. « Nous devons, en parallèle, lutter contre le gaspillage dû aux excès dans l’hémisphère Nord et aux problèmes de stockage et de transport des produits agricoles dans le Sud ». Gérard Gruau (CNRS) qui travaille sur la problématique du phosphore au Lac au Duc (Ploërmel), conclut un débat riche de questions pertinentes : « Nous vivons une période intéressante. Ce débat, à l’image de ce qui se passe au niveau international, rapproche jeunes et anciens ». Des échanges probablement indispensables pour éviter des conflits de générations. À condition qu’ils soient suivis d’effets. 

*La loi Labbé est entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Elle prévoit l’interdiction d’utilisation des pesticides par les particuliers. Ils sont interdits aux collectivités depuis deux ans.

Certaines personnes vont se détourner du jardinage

Nos clients n’ont pas encore pris la mesure de l’interdiction de vente de produits phytosanitaires aux particuliers (du 1er janvier 2019). Les solutions alternatives, quand elles existent, sont plus techniques, plus onéreuses. Nous avons habitué les gens à la facilité. Le risque est de voir les jardiniers les moins motivés s’orienter vers d’autres loisirs, avec une baisse de chiffre d’affaires dans les rayons concernés. Cette baisse sera sans doute plus marquée dans les régions frontalières car, malheureusement, la mesure n’est pas appliquée dans les autres pays européens. Nous avons anticipé l’interdiction en formant 300 salariés sur une journée. Mais il faudrait les former sur une dizaine de jours. C’est un investissement conséquent. En contrepartie, c’est vrai que cette évolution va donner de la valeur à nos salariés, avec un rôle renforcé de conseil. Jean-Baptiste Varnier, Chef de marché Distrivert


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