Un sentiment d’isolement. Sinon d’abandon. C’est ce que laissent filtrer de fréquentes conversations entretenues avec des agricultrices et agriculteurs. Que ce soit au détour d’une formation où l’on « vient pour parler davantage que pour se former » ; ou encore dans les allées des salons agricoles, comme à Agrideiz le 23 mars ou à la Foire de Rennes le week-end dernier : les agriculteurs s’y déplacent « pour voir du monde », comme ils disent ; car dans une ferme aujourd’hui, « on ne voit plus grand-monde », insistent-ils.
À certains égards, ce discours ambiant des agriculteurs transpire de l’esprit initial qui a porté les Gilets jaunes sur les ronds-points. Car aujourd’hui, les agriculteurs et plus largement le monde rural se retrouvent dans cette quête de « l’être ». « Être » reconnu et ne pas « être » déclassé. C’est-à-dire refuser cette idée d’une « France périphérique », comme le dit l’élite avec une condescendance à peine retenue. Une France périphérique qui englobe le rural et les zones éloignées du centre des grandes métropoles. Cette France qui représente tout de même 22 millions de personnes, comptabilisent les sociologues.
Comme les Gilets jaunes, comme les Bonnets rouges avant eux, et la Révolution française bien plus tôt encore, les agriculteurs s’inscrivent légitimement dans une revendication d’égalité avec leurs contemporains. Une égalité qui passe par l’accès au revenu, y compris en retraite ; par l’accès à la connaissance et à la culture, véritables portes qui ouvrent vers l’autre. Ils sont là les leviers pour « faire France » comme a dit le président de la République aux 64 intellectuels invités à débattre le 18 mars à l’Élysée. Pour y parvenir, le sociologue, Jean Viard, propose « un grand pacte territorial ». Après les mots… l’action ?