Si le sol est le toit d’un autre monde, il ne faut pas faire l’autruche face aux marchés ! C’est un des enseignements de l’assemblée générale de la section céréales de Triskalia qui s’est tenue le 19 mars dernier.
L’expérience démontre qu’un marché « plié » au printemps peut toujours se retourner à la moisson. Le pragmatisme reste de rigueur.
L’année 2018 dans le rétroviseur
La collecte bretonne est en baisse de 13 % par rapport à 2017, à 2 545 000 tonnes collectées au 31 décembre. Les rendements ont été décevants en céréales à paille, déception plus importante encore sur l’est de la région. Triskalia observe une baisse de la collecte de 11 %. Le maïs, en progression de 17 %, compense partiellement cela. La qualité a été au rendez-vous en blé avec des moyennes d’humidité faibles, de bons poids spécifiques (PS) et de bons niveaux de protéine. C’est la cinquième année consécutive de hausse du taux moyen de protéine de blé (11,5 % en 2018). Les efforts engagés en pilotage de la fertilisation azotée et l’évolution de notre gamme variétale confortent cette tendance. En maïs, à noter quelques remorques particulièrement sèches à 18 %, et une d’humidité moyenne record à 29,5 %.
Un marché bien tenu jusqu’en début 2019…
Les cours sont en légère hausse sur le premier semestre 2018, après une vague de froid et les premières dégradations sur culture observées en Europe de l’Est et en Mer Noire. Les rendements sont décevants sur le blé en Europe et la production passe de 152 Mt en 2017 à 137,5 Mt en 2018. En Russie, un temps sec en fin de cycle réduit la production de 85 Mt en 2017 à moins de 70 Mt. La résultante étant une flambée des cours mondiaux de près de 30 €/t dès les moissons. La demande mondiale d’orge est soutenue en 2018 et les prix augmentent, tirés par le blé. Le maïs suit de façon moins importante la hausse en raison de bons rendements observés sur les maïs bretons et par la pression des offres à l’import de maïs ukrainiens.
Les ventes massives des fonds spéculatifs déclenchent une chute brutale des cours de 20 € / t sur février 2019. Cette fin de campagne est orientée à la baisse car les marchés anticipent une récolte record en blé et maïs au niveau mondial, faute d’aléas climatiques. En oléagineux, le marché est fortement perturbé par les décisions politiques de D. Trump (tensions avec la Chine, Shutdown…). Globalement, les oléagineux se trouvent dans une tendance baissière, avec le soja, le canola et le palme qui sont à des plus bas historiques.
La décision de l’UE de supprimer les taxes à l’importation de biodiésel argentin, à base d’huile de soja, aura pénalisé fortement la filière diester en 2018. Seul espoir pour 2019, la baisse des surfaces de colza en Europe et le mauvais état des cultures. Une nouvelle fois encore, la Chine perturbe ce marché par son boycott des achats de canola canadien depuis février. Le marché est donc orienté à la baisse depuis 2019, mais le verdict des moissons en Mer Noire reste déterminant pour la suite… sans compter sur les données exogènes aux productions agricoles.
Perspectives 2019 : bien gérer son risque
Les experts prévoyaient un premier semestre 2019 tendu en blé, par la raréfaction des offres russes. C’était sans compter sur les troubles commerciaux entre Chine et USA, mais aussi sur les craintes des fonds américains de voir le débouché chinois échapper aux grains américains. Pour cette moisson à venir, les Français devront aussi surveiller le comportement de leur premier client, l’Algérie. Ce pays représente à lui seul 60 % des exportations vers les pays tiers. Les outsiders de la Mer Noire se battent pour conquérir ce marché réservé aux blés français. Une bonne gestion du risque doit intégrer ces aléas. Ils peuvent encore faire baisser le prix des céréales pour revenir à ceux de 2016. Une bonne connaissance du tonnage à commercialiser par la coopérative avant la moisson permet aussi de saisir les opportunités sur des marchés qui imposent l’agilité en permanence.
Une école pour tirer les enseignements des échecs
Michel Le Friant / Triskalia