Travail, la surcharge pointe

 - Illustration Travail, la surcharge pointe
Beaucoup d’éleveurs ont un besoin d’accompagnement pour repenser leur charge de travail. L’embauche, solution la plus simple, n’est pas toujours évidente.

« Le problème, ce n’est pas moi, c’est que les salariés ne veulent plus travailler ! ». Cette sentence, prononcée par des éleveurs, n’est pas rare, à entendre les conseillers qui réalisent des accompagnements individualisés dans le cadre du projet innovant « Travail-Emploi » développé sur le territoire du Centre Bretagne*. Elle témoigne de la problématique de la main- d’œuvre dans le milieu de l’élevage. Les agriculteurs accompagnés ne sont pas représentatifs de la population globale car ils sont demandeurs de conseils à ce niveau, mais quand même… « La nouvelle génération de jeunes installés se pose des questions sur l’organisation du travail, l’embauche. Les plus anciens, après 45 ans, se les posent quand ils ont un problème physique », assure Simone Ansquer, conseillère en ressources humaines à la Chambre d’agriculture. « Beaucoup, la cinquantaine passée, assurent qu’ils ne continueront pas comme ça… ».

Ils souhaitent débrayer mais ne savent pas comment s’y prendre. Quelle démarche entreprendre pour trouver de la main-d’œuvre compétente ? Quel salaire proposer ? Quel type de contrat ? « En deux heures de rendez-vous, les agriculteurs s’expriment ». «Pourquoi est-ce que je ne parviens pas à fidéliser mes salariés ?», se lamentent certains. « On a souvent la réponse en allant sur place. Quand ils sont vraiment décrochés en termes d’organisation de travail, ils sont moins conciliants avec leurs salariés. Les conditions de travail sont mauvaises. Il fait froid dans le bureau, il n’y a pas de cafetière, donc pas de lieu approprié pour échanger. Les employeurs ne s’en rendent pas compte et les salariés vont chercher leur bonheur ailleurs ». Dans une autre ferme, voire dans un autre secteur d’activité…

Des candidats non formés

Une centaine d’accompagnements ont été réalisés, à ce jour. La moitié des agriculteurs souhaitent embaucher à temps plein ou partagé. « Beaucoup n’ont pas conscience qu’il existe des dispositifs permettant d’embaucher une personne pour une journée par semaine, par exemple ». Sans l’opération « Travail-Emploi », il n’y aurait pas eu ces demandes d’embauche, selon Simone Ansquer. « Cela nous a permis de ne pas travailler dans l’urgence. Il faut 3 à 6 mois pour recruter un salarié. Nous avons pu élaborer des profils de poste en mettant en avant des aspects positifs du métier et des élevages concernés (qualité des bâtiments, automatisation…) ». 80 % des candidats ne sont pas issus du milieu agricole. « Nous ne pouvons pas les présenter directement à un employeur », assure une conseillère de l’Anefa (Association nationale emploi formation agricole). Des formations sont nécessaires.

Plus de végétalisation

Un bon tiers des agriculteurs accompagnés envisagent de réorganiser leur travail. D’autres souhaitent le simplifier en supprimant un atelier « la vente de génisses pour la reproduction ou les taurillons, mais aussi l’atelier lait au profit de la production végétale ». Quelques- uns veulent déléguer des travaux « mais ils n’ont pas toujours confiance dans le prestataire (ETA, Cuma). Ils préféreraient conserver les travaux de culture car ils aiment le matériel et les travaux des champs, notamment au printemps et voudraient déléguer la traite. C’est moins évident de trouver le salarié idéal ». En production porcine, certains se demandent s’ils doivent engager des travaux de rénovation avant de céder : « C’est un risque car il n’y a pas beaucoup de candidats pour reprendre », avancent-ils.

De la main-d’œuvre étrangère ?

La problématique, mise en évidence sur le territoire du Centre Bretagne, est régionale. « Nous avons une boîte à outils (services de remplacements, conseillers qualifiés…) mais il manque de la main-d’œuvre à plein temps en élevage. Nous devons trouver des solutions autres que celles que nous proposons actuellement. D’autres secteurs d’activité ont résolu leurs problèmes en recrutant des étrangers. Pourquoi pas nous ? », questionne Gaëtan Le Seyec, agriculteur et président du Comité de pilotage de l’opération. Le message a été transmis à l’administration, qui a suivi l’opération « Travail-Emploi » depuis le début des travaux. Elle peut appuyer la mise en place de formations….

*92 accompagnements individuels réalisés

Territoire Loudéac-Pontivy :

  • 695 exploitations ciblées et informées par courrier,
  • 245 contactées par téléphone,
  • 92 accompagnées (1 jour en moyenne),
  • 44 en lait, 26 en lait + autre(s) atelier,
  • 7 en porc spécialisé,
  • 30 à accompagner en 2019.

L’objectif est de fidéliser les salariés étrangers

[caption id= »attachment_40126″ align= »alignright » width= »127″] GILLES LE BIHAN[/caption]

Nous avons créé un groupement d’employeurs à 18 fermes en 2018 (légumes plein champ ou sous serre, et élevages). Dans ce cadre, nous avons embauché 1,5 ETP (Equivalent temps plein) pour réaliser toutes les démarches administratives qui commençaient à peser à titre individuel. Nous avons tous plus ou moins une problématique salariale. Face à la pénurie de main-d’œuvre française, nous nous tournons (individuellement) vers des salariés étrangers (Roumanie, Pays de l’Est) que nous recrutons par nos propres réseaux. À certaines périodes (essentiellement plantations et récoltes d’échalotes et de salades), il y a jusqu’à 120 salariés étrangers dans le secteur de Saint-Pol-de-Léon. Sur des périodes de 3 semaines environ. Nous sommes loin de Brest et nous ne pouvons pas attirer les étudiants. Le danger, c’est qu’à l’avenir, cette main-d’œuvre saisonnière puisse aussi manquer.

C’est vraiment une inquiétude car les conditions de travail et les salaires augmentent chez eux et ils pourraient y rester. L’objectif est de fidéliser ces salariés étrangers en leur proposant du travail sur plusieurs fermes, à des périodes décalées. L’un d’entre nous embauche 5 Roumains à l’année, en emplois fixes, et cela se passe bien.

En partie de notre faute

Le service juridique de la FDSEA nous aide. Leurs papiers doivent être en règle. Leur paie est remise en main propre (pas d’intermédiaires). La langue n’est pas une barrière ; il faut prendre le temps de leur montrer les tâches à accomplir. Ce manque de main-d’œuvre, qui guette le monde agricole, est, en partie de notre faute. Nous ne parlons pas suffisamment de nos métiers dans les écoles. Combien d’élèves de 3e demandent à venir en stage découverte sur nos fermes qui sont pourtant diverses ?

Gilles Le Bihan, producteur de légumes sous abri, à Plouénan (29)


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