Des maires, des députés, des sénateurs morbihannais montent au créneau pour défendre une agriculture saine et pourvoyeuse d’emplois directs et indirects.
« Sur certaines communes du littoral, même les élevages bio ne sont plus tolérés par la population. Ce n’est plus supportable ». Ce constat de Philippe Le Ray, président de la Communauté de communes d’Auray Quiberon Terre Atlantique, en dit long sur le climat délétère qui sévit dans les territoires ruraux. Les critiques à l’encontre des éleveurs s’étendent à la manière de cultiver les terres. Dernièrement, un agriculteur a été pris à partie dans son propre champ lors d’un désherbage chimique. En Bretagne, ce sont de petits panneaux qui fleurissent dans les parcelles suite aux épandages : « Ici, on cultive votre futur cancer ». Des intrusions nocturnes dans les bâtiments d’élevage choquent les éleveurs. « Nous assistons à une remise en cause de notre métier », se désole Frank Guéhénnec, président de la FDSEA. « Les agriculteurs ne peuvent pas comprendre car ils respectent des normes réglementaires de plus en plus strictes et produisent une alimentation de qualité ». Des efforts consentis par la profession, qui sont à l’origine de succès environnementaux en Bretagne, comme la reconquête de la qualité des eaux (nitrates), citée en exemple au niveau européen.
Services rendus
Yves Bleunven, président des maires du Morbihan, dénonce ce climat malsain sur un territoire qui doit énormément à son agriculture. « Est-il besoin de rappeler le montant des investissements réalisés récemment par Ardo (légumes) ou LDC (volailles) au Pays du Roi Morvan, en zone rurale? Des activités qui contribuent au maintien de la population dans notre région ». L’agriculture joue un rôle économique mais pas seulement. « Notre département attire beaucoup de touristes randonneurs. Combien d’entre eux savent que 80 % des circuits qu’ils empruntent sont régis par une convention signée avec les agriculteurs ? Que l’agriculture recycle nos boues de stations d’épuration ou produit de l’énergie verte en transformant les déchets ménagers dans des unités de méthanisation ? ». Le maire de Grand-Champ, qui a connu trois suicides d’agriculteurs en cinq ans sur sa commune, n’accepte pas le discrédit qui se répand sur les réseaux sociaux. « Nous devons être vigilants. Les organisations qui dénigrent le monde agricole sont bien structurées. Elles sont capables de faire capoter des projets qui respectent les lois ».
Que faire ?
Les politiques sont décidés à communiquer. Mais leurs propos sont souvent remis en question, au moins autant que les pratiques agricoles… Muriel Jourda, sénatrice, évoque une piste : « Le discours scientifique a abandonné l’agriculture. Elle en souffre, autant que de son image d’Épinal ». À l’heure où tout un chacun s’estime ingénieur ou agriculteur, gonflé des informations qu’il collecte sur la toile, les scientifiques ont sans doute un rôle à jouer, en dénonçant inlassablement les inepties relayées sur ces réseaux sociaux. Encore faut-il qu’ils y consacrent un peu de temps et soient encouragés à le faire. Les arguments existent. Nicole Le Peih, députée, bien décidée à lutter contre les militants qui attaquent les boucheries et les abattoirs, rappelle que, selon une étude publiée par l’hebdomadaire médical « The Lancet », la France est au deu-xième rang mondial du « bien manger » au sens médical, derrière Israël et devant le Japon. Malgré ce constat positif, les agriculteurs ont l’obligation de répondre aux attentes sociétales (bien-être animal, baisse de l’usage des antibiotiques, du recours aux pesticides..) et de le faire savoir. Ces efforts ont un prix. Aux politiques de trouver les moyens de répercuter ces surcoûts aux consommateurs tout en protégeant les marchés, au moins au niveau européen.