Dumping fiscal agricole : la Cour des Comptes allemande dénonce

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Le Collectif contre le dumping fiscal agricole en Europe interpelle l’Union Européenne suite au dernier rapport de la Cour des Comptes allemande.

Communiqué du 15 mai 2019

Les acteurs de la filière porcine française réunis au sein du Collectif contre le dumping fiscal agricole en Europe engagé dans la construction d’une Europe forte, unie et compétitive, dénoncent le non respect par l’Allemagne de la directive européenne sur la TVA et le détournement d’argent public lié à cette dérive au profit de l’agriculture allemande et en particuliers des éleveurs de porcs et de l’industrie du porc en Allemagne. Ils s’insurgent contre le dumping fiscal allemand, également dénoncé par la Commission Européenne et souligné par la Cour des Comptes allemande dans son rapport publié le 17 avril dernier, et appellent l’Union Européenne à faire appliquer les mêmes règles de la directive TVA à tous les Etats membres de l’UE.

Le 17 avril dernier, la Cour des Comptes allemande a publié son second rapport dans lequel elle confirme que l’interprétation de la Directive TVA européenne dans la loi allemande est contraire au droit européen. Elle invite le Ministère Fédéral des Finances à rendre le régime forfaitaire conforme au droit européen. Un nouveau rapport qui donne raison au Collectif contre le dumping fiscal Agricole en Europe engagé depuis 10 ans dans le combat pour le respect de la directive TVA agricole. 

Suite à la publication de ce nouveau rapport de la Cour des Comptes, et à quelques jours des élections européennes, le Collectifalerte les citoyens et les européens sur cette distorsion de concurrence qui bénéficie depuis 10 ans aux agriculteurs allemands et, en particulier aux éleveurs de porcs et à l’industrie du porc en Allemagne, grâce à un détournement des mesures d’application de la directive TVA européenne.

Pour Jacques Crolais, un des porte-paroles du Collectif: « Le non respect de la directive TVA par l’Allemagne lui permet de bénéficier d’un avantage concurrentiel estimé à 200 millions d’euros toutes filières agricoles confondues par an, dont 50 millions d’euros par an uniquement pour la production porcine allemande. Une distorsion de concurrence qui se traduit par un écart de compétitivité, et conduit directement à l’affaiblissement de la production française et de son industrie. Depuis 15 ans, la France a perdu 2 millions de porcs correspondant aux volumes de deux sites industriels qui ont fermé sur cette période : GAD en 2013 puis AIM en 2018. »

Le Collectif réaffirme sa volonté de vouloir construire une Europe forte et unie, basée sur l’application de la réglementation économique et fiscale européenne et dénonce le dumping fiscal et la confiscation d’argent public par l’Allemagne pour servir des intérêts privés au profit de ses éleveurs de porcs et de son industrie. 

Le Collectif demande par conséquent à l’Union Européenne, tout comme l’a fait précédemment la Commission Européenne, de revoir rapidement les règles d’application de la directive TVAet de veiller à ce qu’elles soient respectées par tous les membres de l’Union Européenne, en particulier en Allemagne où aujourd’hui deux tiers des exploitations agricoles appliquent le système forfaitaire, profitable à leur enrichissement.

Une directive TVA détournée en Allemagne 

La Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 de l’Union Européenne encadre l’application du régime de TVA qui consiste à confier aux entreprises la collecte de cet impôt pour le compte des pouvoir publics. Cette directive autorise les États membres à appliquer un régime de TVA forfaitaire applicable aux producteurs agricoles.

Comme le précise l’article 296 de la Directive TVA, ce régime forfaitaire est censé être utilisé par les producteurs agricoles qui se heurtent à des difficultés administratives lors de l’application des règles normales de TVA.En France et conformément à l’esprit de la directive, le bénéfice du régime forfaitaire est réservé aux petites exploitations (< 46 000 € CA), pour lesquelles la réalisation annuelle d’une comptabilité TVA génèrerait de fortes contraintes administratives. Les élevages de porcs français ne bénéficient pas du régime forfaitaire sur la TVA. La TVA collectée doit être reversée à l’État et ne peut rester dans le compte de résultat de l’éleveur.

Or cette option régime forfaitaire, a été transposée en Allemagne à l’article 24 de la « Loi relative à l’impôt sur le chiffre d’affaires », qui prévoit que toutes les exploitations agricoles, quels que soient leur taille et leur chiffre d’affaires peuvent opter pour ce régime. Elle repose également sur une interprétation par l’Allemagne à son avantage de la directive TVA. La mention « se heurterait à des difficultés », n’a pas été appliquée en prenant en considération la taille de l’exploitation exprimée par le chiffre d’affaires, mais a été interprétée sur une notion de « chargement d’animaux par hectare » (nombre d’animaux rapportée à la surface agricole). La directive est ainsi utilisée comme une optimisation fiscale, permettant une subvention déguisée, contraire aux lois européennes. Les éleveurs allemands gardent le différentiel de TVA et l’intègrent comme une subvention d’argent public dans leur comptabilité.

D’après la Cour des Comptes allemande qui pointe ces pratiques dans son dernier rapport, le régime forfaitaire concerne aujourd’hui les deux tiers des exploitations agricoles allemandes alors que les trois quarts réalisent une comptabilité annuelle et ne devraient, par conséquent, pas être concernées.

Les conséquences : une atteinte au principe d’égalité entre les Etats membres et une atteinte à la concurrence.

Selon la Cour des Comptes Allemandecet avantage de TVAau bénéfice des agriculteurs allemands équivaut à un montant de TVA d’environ 200 millions d’euros par an facturés en sus à leurs clients. Cette TVA collectée, normalement pour être reversé à l’Etat, reste dans les poches des agriculteurs forfaitaires allemands. 

Selon les études de l’IFIP, sur la base des données officielles relevant d’Eurostats/RICA, les éleveurs allemands bénéficiaires du dispositif retirent un avantage de 2 € par porc vendu. Ce qui, ramené à la taille moyenne d’un élevage français, équivaut à une aide annuelle de 15 000 €.Un avantage confirmé par le Président de la Cour des Comptes fédérale allemande.

Un avantage sur le prix qui a permis aux industriels allemands de pratiquer des prix prédateurs sur le marché européen du porcelet. Les importations allemandes de porcelets en provenance des Pays-Bas et du Danemark sont passées à 11 millions en 15 ans, les abattages de 46 à 57 millions de porcs. Sur la même période, la production française a baissé de 2 millions de porcs.

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A propos du Collectif contre le dumping fiscal agricole en Europe et la procédure juridique en cours

Depuis plus de 10 ans, les éleveurs de porcs français dénoncent les pratiques de l’Allemagne qui, a dévoyé le régime forfaitaire TVA de la directive 2006/112/CE.

Considérant ne pas avoir été écoutés, en 2015 les éleveurs et les opérateurs de la filière française ont créé le Collectif Contre le Dumping Fiscal Agricole en Europe qui a saisi la Commission Européenne pour non-respect par l’État Allemand du droit de l’Union en matière de forfait TVA. 

La plainte très documentée, présentant des arguments solides a reçu un écho très favorable auprès des instances européennes.

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Retour sur les événements clés de la procédure juridique 

  • 2011-2013 : premiers contacts, saisie informelle de Breizh Europe. Réponse de la commission : « Il y a effectivement un problème, mais il faut étayer le dossier ».
  • Décembre 2015 : 1eplainte déposée auprès de la Commission Européenne pour non-respect par l’État allemand du droit de l’Union au motif du non-respect de la Directive TVA, atteinte à la concurrence, atteinte au principe d’égalité.
  • 8 mars 2018 : ouverture d’une procédure d’infraction par la Commission Européenne contre l’Allemagne, avec mise en demeure d’aligner ses règles sur le droit de l’Union. Initiative prise à l’unanimité des commissaires européens, ce qui est une première.
  • 17 juillet 2018 : dépôt d’une seconde plainte, pour « Aide d’État », en cours d’instructions par la DG Agri de la Commission Européenne.
  • 24 janvier 2019 : décision officielle de la Commission Européenne d’adresser un avis motivé à l’Allemagne. C’est une première dans la communication de la Commission : « Une telle situation est interdite par les règles de l’Union et crée des distorsions de concurrence importantes sur le marché intérieur. Si l’Allemagne n’agit pas dans les deux prochains mois, la Commission pourrait décider de saisir la Cour de Justice de l’UE ».
  • 23 avril 2019 : la Cour des Comptes allemande publie un nouvel avis : Rapport au Ministère fédéral des Finances en vertu du §88 Par.2 BHO sur le régime de la taxation forfaitaire selon le §24 Umsaltzsteuergesetz.

Les membres du Collectif contre le dumping fiscal agricole en Europe : 

FNP – Coop de France – Aliporc – UGPVB – Comité Régional porcin – INTERPORC – INPAQ – UNGP – Association Régionale Porcine Poitou-Charentes – Comité Régional Porcin des Pays de la Loire – Inter Porc Nord Picardie – ARIPORC Centre


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