Les engrais azotés utilisés en Bretagne doivent concilier attentes sociétales, réglementation, économie, efficacité et praticité, sans oublier le contexte mondial qui influence la disponibilité et les prix des fertilisants.
Après une progression de 3 % par an entre 2005 et 2015, la consommation mondiale d’engrais continue de croître à un rythme plus faible. Cette croissance est dynamique dans les pays émergents, alors que la consommation a fortement chuté au cours des 25 dernières années dans les pays développés. Actuellement, grâce à une utilisation plus raisonnée des engrais, elle se ralentit en Chine et en Inde qui étaient les locomotives lors de la décennie précédente. Le relais est pris par l’Amérique latine et l’Afrique.
L’urée domine au niveau mondial
En ce qui concerne l’azote, l’urée devient de très loin le produit dominant, représentant 55 % de l’azote mondial. Contrairement aux autres régions du monde, l’Europe occidentale consomme peu d’urée, mais majoritairement de l’ammonitrate produite localement. Toutefois, les équilibres évoluent. En raison de la différence de prix à l’unité d’azote entre les deux produits, l’urée gagne des parts de marché sur l’ammonitrate (cf. graphique).
D’autre part, le Plan national de réduction des émissions et des polluants atmosphériques (Prépa) va amener de nouvelles exigences réglementaires pour diminuer les émissions d’ammoniac d’origine agricole. Sont spécialement visées : les pratiques d’épandage d’effluents d’élevage et l’utilisation d’urée.
Un site de stockage et d’ensachage
Au niveau de Triskalia, pour nous adapter aux évolutions du marché, nous avons investi dans un site de stockage et d’ensachage sur le port de Nantes : Fertidock. Afin d’optimiser l’utilisation de l’outil et baisser les coûts, nous mutualisons cet investissement avec la coopérative Agrial, basée à Caen, et Eliard-SPCP, basé à Pontivy.
Ce site, opérationnel depuis octobre 2017, permet de recevoir des bateaux d’engrais d’importation, notamment de l’urée, d’une taille allant jusqu’à 15 000 tonnes. Cette dimension de navire, qui n’arrivait jusqu’alors qu’à Rouen et La Rochelle, ainsi que la proximité de Nantes, permet de fournir aux adhérents bretons, des engrais azotés à base d’urée plus compétitifs. Dans cette installation, d’une capacité de stockage de 25 000 tonnes, l’urée est ensachée en big bag. Des terrains de mélanges à base d’urée y sont également réalisés. Cette unité fabrique également le Trixen.
Le marché et la réglementation évoluant, Triskalia doit préserver les potentiels de rendement et faire progresser les taux de protéines, améliorer l’efficacité de l’azote apporté et diversifier les formes d’azote. Les premiers leviers à travailler sont agronomiques : la correction de l’acidité du sol, l’implantation des cultures intermédiaires et le raisonnement des autres apports nutritifs. En effet, amener le pH entre 6,2 et 6,5 améliore l’activité biologique du sol, la minéralisation de l’azote organique et la nitrification. Les cultures intermédiaires associant graminées et légumineuses permettent de capter les éléments minéraux, de les libérer pour la culture suivante et de limiter les pertes par lessivage. Enfin, l’analyse de terre détermine quels éléments nutritifs apporter pour que ceux-ci ne deviennent pas facteur limitant.
Ensuite, il convient d’apporter la juste quantité d’éléments fertilisants en fonction du Plan prévisionnel de fumure (PPP). Les leviers sont le fractionnement des apports suivant les besoins des plantes, le positionnement de la bonne dose au bon moment grâce à l’utilisation des outils de pilotage ainsi que l’utilisation de la forme d’azote la plus adaptée.
Des engrais plus efficaces
La coopérative développe deux types d’engrais répondant aux évolutions du marché et à l’efficacité agronomique recherchée. Le Trixen bénéficie de l’agent stabilisateur NBPT qui ralentit en partie la transformation de l’azote uréique en ammoniacal. La réaction est moins intense, le pH est tamponné et l’équilibre ammoniacal est ainsi déplacé vers la forme ammonium qui est stable et disponible pour la plante. Les pertes par volatilisation sont donc minimes, ce qui met plus d’azote à disposition des cultures et répond au contraintes du Prépa. L’engrais Trixen obtient les mêmes résultats que l’ammonitrate sur les principales cultures : céréales, colza, prairies et maïs (cf. graphique). Le Trixen, à base d’urée, a également l’avantage d’être un tiers plus concentré que l’ammonitrate. Par conséquent, les quantités à transporter, stocker et épandre sont réduites d’autant. Trixen combine les avantages économiques et pratiques de l’urée et les qualités agronomiques de l’ammonitrate. Ce produit permettra d’accompagner la transition du marché vers les produits uréiques tout en gardant un haut niveau de performance agronomique.
L’Entec 26 contient un retardateur de nitrification qui maintient l’azote apporté sous forme ammoniacale, moins sensible au lessivage. Les essais réalisés démontrent une diminution des pertes par lessivage de 25 %. De plus, la libération progressive de l’azote nitrique permet une nutrition de la culture sans à-coups. La conduite azotée d’un blé avec Entec 26 se fait en deux passages contre trois dans une conduite « ammonitrate » classique. L’apport d’azote se fait courant février, ce qui permet de bénéficier de conditions humides favorables à la solubilisation de l’azote, tout en étant à l’abri du lessivage. Même en cas de périodes sèches sur mars-avril, l’azote est disponible pour les cultures. Ce programme de fertilisation concilie rendement, qualité et meilleure efficience de l’azote… un gage de sécurité.
Jérôme Tanguy / Triskalia