Se poser et regarder. Regarder la campagne bretonne au printemps. Et prendre le temps d’apprécier l’œuvre du paysan nourricier. En mai, la campagne bretonne est tout simplement belle. Elle s’offre en spectacle, telle une immense marqueterie de champs marron fraîchement ensemencés, entrelacés du vert tendre des pâtures nouvellement broutées, rehaussés de çà de là de billes multicolores d’enrubannés. Un paysage de tableau. En cette saison, le bocage breton se révèle une œuvre d’art trop souvent ignorée.
Mais au printemps, la nature n’est pas seulement belle. Elle est prometteuse. Lente et forte, elle nourrit l’espoir d’une récolte abondante. Ne dit-on pas : « Qui est libéré de l’avenir n’a rien à craindre ». Mettre une graine dans le sol, c’est justement se projeter dans le futur. Ce même geste se répète depuis 10 000 ans ; depuis le début du Néolithique. N’en déplaise à ceux qui accusent l’agriculture d’être « la plus grande erreur de l’humanité ». Une idée qui a germé dans la tête de quelques anthropologues dès les années 60 et qui refait surface sous la plume de l’Américain James C. Scott avec son livre « Homo domesticus ». Certes, sans agriculture, la population mondiale aurait été moins nombreuse ; les grands maux du siècle que sont le réchauffement climatique, la chute de biodiversité et la pollution auraient été de grands inconnus. Mais faut-il être aveugle pour ne pas voir que l’agriculture a, sur la longue durée, permis, non seulement de nourrir, mais aussi de libérer du temps pour instruire et conduire l’humain sur le chemin de la connaissance, du confort et du mieux-être. Gardons en mémoire la sage graine de ce dicton breton : « Morse er bloaz, re a ed ne noaz » (Jamais dans l’année, trop de blé ne nuit).