Les solutions de protection des cultures s’amenuisent, des attaques de mouches du semis ont été signalées en Morbihan est et nord de l’Ille-et-Vilaine, ainsi que dans le Nord-Finistère sur des parcelles non protégées.
Le Bulletin de santé du végétal (BSV) prévenait dans ses observations en date du 21 mai de dégâts signalés sur des parcelles de maïs semées entre la fin avril et le début mai. En cause, des mouches de semis dont les larves percent les graines ; la germination est stoppée et, dans les cas où le végétal réussit à germer, les plantules sont fortement affaiblies. Une certaine nervosité envahit les campagnes, le spectre des destructions de parcelles de 2016 reste dans les mémoires, avec de fortes attaques d’une autre mouche, la géomyze.
Cette campagne 2019 de semis est marquée par l’arrêt des traitements de semences à base de thiaclopride, substance active du Sonido, efficace contre les principaux ravageurs de début de cycle du maïs, mais inefficace contre les mouches de semis. « Les traitements de semence Sonido n’avaient pas le même mode de fonctionnement et étaient utilisés contre les taupins, les oscinies et les géomyzes », fait observer Michel Moquet, ingénieur régional chez Arvalis – Institut du végétal. Les attaques de mouche de semis subies par les producteurs situés dans le Morbihan et le Nord-Finistère n’auraient donc pas été contrés par cette molécule aujourd’hui retirée du marché.
Cette mouche de semis a attaqué de façon ponctuelle, hormis dans les situations où le maïs avait été protégé contre les taupins : les spécialités comme Karaté 0.4 GR, Belem ou Tricka Expert ont donné de bons résultats de protections contre ces larves de mouche. « Elles sont présentes dans le sol, on ne les a pas vues venir », témoigne Michel Moquet, tant les attaques ont été brusques.
[caption id= »attachment_41124″ align= »aligncenter » width= »720″] À gauche une plante saine, à droite des graines présentant des problèmes de germination, graines envahies par les asticots de la mouche des semis. © Institut du Végétal[/caption]
Changer ses pratiques
Le risque d’attaque est bel et bien présent pour cette campagne, la moitié seulement des implantations a été protégée par une solution autre que le Sonido. La plupart des semis ont été réalisés entre la fin avril et le début mai. « Ils ne sont toujours pas à l’abri d’attaques d’oscinies ou de géomyzes. Aucune intervention en plein champ n’est autorisée et/ou efficace », rappelle Michel Moquet. L’observation d’éventuels dégâts reste la seule solution, les resemis en cas de forte infestation sont désormais trop tardifs. Certaines parcelles font apparaître des plants affaiblis, mais ne sont que la simple conséquence de conditions froides et humides de la fin avril.
Des producteurs ont préféré retarder leurs semis de maïs afin d’éloigner les risques d’attaques de ces mouches. Mais cette pratique n’a pas forcément été généralisée.
« Les premiers semis sont intervenus vers le 15 avril, soit dans les mêmes dates que les années précédentes, quand le Sonido était encore autorisé », fait observer Guy Krewer, responsable marché semences hybrides chez Triskalia. Pour rappel, 75 % des semences vendues par la coopérative avaient un traitement de semence Sonido l’an passé, du fait de la dernière utilisation possible de la molécule mais surtout pour sécuriser les semis. Cette année, Triskalia a commercialisé une couverture insecticide sur 25 % des semis réalisés, avec des solutions à base de Fury Geo, Belem ou Force 1,5 G.
Jouer sur les leviers
Guy Krewer a conscience des changements de pratique que l’arrêt de ce type de traitement de semence peut induire. « Le Sonido pouvait masquer des mauvaises pratiques. Il faut désormais regarder différemment la façon de construire ses cultures ». Toutes les pratiques qui visent à faire démarrer les plantules le plus rapidement possible sont donc plus que jamais à l’ordre du jour ; un végétal vigoureux sera moins sensible aux attaques et atteindra plus rapidement le stade de 4 feuilles, moment où le maïs résistera aux ravageurs. « C’est l’objectif de notre offre Sérénity, qui allie le triptyque semoir/semis/semence », explique le responsable. Ce pack met en œuvre des biostimulants différents suivants les semenciers et remet à l’ordre du jour les dates et qualités de semis. « Dans nos essais, les semences avec des Biostimulants ont une feuille d’avance », observe le responsable. La lutte contre les ravageurs se fera désormais sans filet, et aboutira sur une addition de leviers techniques et technologiques.
Du tout ou rien
Les attaques de mouches du semis sont ponctuelles, cette année on les a observées notamment sur les semis de fin avril début/mai dans certains secteurs et sur certaines parcelles du Morbihan, du Sud et du Nord-Finistère, en Ille-et-Vilaine. Les premières implantations de la mi-avril ont été peu touchées. Ces attaques se manifestent en tout ou rien. Si les mouches ont pondu au moment opportun, les dégâts sont terribles, comme dans une parcelle de Plouvorn (29) où le producteur a été contraint de ressemer. Dans d’autres cas, les parcelles passent au travers de ces attaques. Pour les autres mouches comme les géomyzes, les vols sont plus échelonnés. 2016 reste l’année à problème par excellence. L’inquiétude vient aussi avec le retrait de molécules contre les taupins, qui pourront devenir problématiques. Des spécialités commerciales sont aujourd’hui disponibles, mais le mode de positionnement de produit (interdiction du diffuseur…) amoindrit leur efficacité.
Louis Le Roux, conseiller à la Chambre régionale d’agriculture