Un vol en montgolfière est une expérience de silence. Suspendus en l’air, suspendus au temps, les passagers se laissent porter par la symphonie muette du millefeuille des masses d’air.
Rémy Lartillerie a mis les voiles sur la Bretagne avec le projet de glisser sur l’eau. Pour finalement glisser dans les airs. De mi-mai à fin octobre, ce Lorrain d’origine propose d’embarquer dans son aéronef pour découvrir la campagne finistérienne vue d’en haut. « Pour décoller, il faut du beau temps et pas de vent », explique-t-il, soulignant que la position péninsulaire de la Bretagne occidentale baignée dans l’Atlantique limite les plages de vol. « C’est nettement plus facile à l’arrière d’une ligne Nantes-Rennes moins soumise aux flux marins ».
Porté par les masses d’air
Qu’à cela ne tienne. Ce dernier vendredi de mai, les conditions s’annoncent bonnes. Très bonnes même, prévoient les multiples sites spécialisés dans la circulation des masses d’air que l’aéronaute consulte assidûment avant de déplier son énorme ballon jaune de 3 000 m3. « À 20 h 15, le vent va tomber », prévoit Rémy Lartillerie, en observant les feuilles d’un peuplier-tremble tout proche qui frétillent encore sous l’effet de la brise de fin de journée. « En conditions idéales, je peux effectuer deux vols par jour : tôt le matin et avant le coucher du soleil. Ce sont les seuls moments où, par jour de beau temps, il n’y a pas d’activité thermique ». Car pas question de tenter une ascension si l’air est agité : une montgolfière se déplace au seul gré de la circulation des masses d’air. « Pour faire simple, l’atmosphère est constituée de couches d’air superposées à la façon d’un millefeuille. Quand la montgolfière se situe dans une masse d’air circulante, l’aéronef se déplace dans le sens du vent ; quand elle se trouve dans une masse d’air statique, elle fait du sur place », explique-t-il. Et de faire observer que pour arrêter ou accélérer la course, il suffit de faire monter ou descendre verticalement la structure. Simple non ?
Archimède fait son travail
Comme l’avait prévu Rémy Lartillerie, le vent tombe subitement à 20 h 15. Comme si une main invisible avait éteint un gros ventilateur céleste… Le moment est venu de remplir d’air froid le gros ballon en devenir. En une dizaine de minutes, la toile prend progressivement du volume sous l’effet d’un ventilateur mécanique. Puis un double-brûleur délivrant de longues flammes prend le relais et provoque la lévitation du ballon gonflé d’air chaud. Encore quelques coups de chauffe et la nacelle en osier solidement arrimée à une voiture qui fait office d’amarre oscille au-dessus du plancher des vaches. L’ouverture du mousqueton rompt le dernier lien qui maintenait la montgolfière au sol. Sous l’effet de la poussée d’Archimède, l’aérostat file désormais vers des cieux inconnus tel un ballon de baudruche échappé des mains d’un enfant inattentif.
En quelques minutes, les quatre passagers à bord sont transportés à 500 mètres d’altitude au rythme intermittent du ronflement des flammes endiablées délivrées par les brûleurs à gaz. Puis le silence.
Le silence et la beauté de la campagne bretonne, harmonie de marron et vert de parcelles dessinées par d’altières haies bocagères. À l’horizon, 25 kilomètres au sud, le gris-bleu de la mer où s’élèvent l’archipel des Glénans et l’île de Groix ; à l’ouest la baie de Douarnenez s’offre en miroir sous le soleil déclinant ; au nord se dressent les épines dorsales des Montagnes Noires et des Monts d’Arrée. « Je ne me lasse pas du spectacle », accorde le pilote qui, après une quinzaine de minutes en position stationnaire, décide de descendre à 300 mètres d’altitude pour profiter d’un courant d’air nord-sud afin de poursuivre la promenade aérienne.
Retour en douceur sur le plancher des vaches
Dans ce secteur très laitier du Finistère les troupeaux parsèment densément le paysage. Les vaches semblent surprises d’être survolées par ce gros ballon jaune. « En fait, les bovins, et plus largement les animaux, sont sensibles aux ultrasons diffusés par les brûleurs. C’est pourquoi nous sommes équipés de deux types de brûleurs : des “normaux” très puissants et d’autres que l’on appelle des “vaches” qui délivrent moins de puissance et moins d’ultrasons », explique Rémy Lartillerie déjà en quête d’un champ pour l’atterrissage. Dès lors, commence la descente en douceur de la montgolfière dont la nacelle caresse au passage la cime des arbres d’un petit bosquet. Les passagers sont invités à saisir les poignées et à fléchir les jambes pendant que l’aéronaute continue d’actionner l’ouverture supérieure du ballon qui perd progressivement de l’altitude… « Cramponnez-vous », lâche Rémy Lartillerie à quelques mètres du sol. Le panier tressaute légèrement à trois reprises. Voilà l’équipage à nouveau sur le plancher des vaches ; les pieds sur terre, la tête dans les étoiles.
Décollage et atterrissage en prairie
Contact : ouestmontgolfiere.com ou 06 83 70 92 43