En lait, le bien-être animal bientôt évalué

 - Illustration En lait, le bien-être animal bientôt évalué
Un animal ne doit pas souffrir de la soif : la disponibilité en eau dans les élevages fera donc partie des critères relevés lors de l’audit bien être animal dès 2020.
À partir du 1er janvier 2020, une évaluation du bien-être sera adossée à l’audit de la charte des bonnes pratiques d’élevage.

Depuis deux ans, le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) planche à la définition d’indicateurs pour évaluer le bien-être animal dans les fermes laitières. Cela s’inscrit dans le plan de filière « France, Terre de lait » lancé par l’Interprofession en décembre 2017. Un groupe de travail regroupant des représentants des trois grandes familles – producteurs, transformateurs privés et coopératives – a balayé « tout ce qui existait déjà ». À l’arrivée, 16 indicateurs « centrés sur l’animal » viennent d’être validés pour être le socle d’un audit en élevage en se basant sur les cinq libertés fondamentales définies par l’OIE (World organisation for animal health) : ne pas souffrir de faim ou de soif ; d’inconfort ; de douleurs, blessures ou maladies ; pouvoir exprimer les comportements naturels propres à l’espèce et ne pas éprouver de la peur ou de la détresse.

« Nous avons réalisé des tests grandeur nature sur le terrain. 50 autodiagnostics ont été menés par les éleveurs du conseil d’administration de la FNPL afin de représenter toutes les sensibilités et territoires. 75 diagnostics ont été menés par des techniciens de laiterie. Le résultat est apparu cohérent », rapporte Daniel Perrin, éleveur en Meurthe-et-Moselle et président de la commission Sciences et techniques de l’élevage du Cniel. Pragmatique, le trésorier de la FNPL précise que le temps nécessaire à l’évaluation en ferme est de 1,5 heure en moyenne. « Il ne fallait pas plus long… », estime-t-il. Avant de rassurer : « Mais nous ne sommes pas là pour encourager ou accentuer le défilé de personnes dans les exploitations. C’est pourquoi l’évaluation du bien être animal sera adossée à l’audit de la Charte des bonnes pratiques d’élevage (CBPE). »

Le bien être animal, un chapitre du plan de filière

Dans les prochains mois, les techniciens en charge de la charte seront formés sur les 16 nouveaux indicateurs de bien-être. À partir du 1er janvier 2020, ils mèneront le double-diagnostic lors de leur passage sur la ferme. « Outre les chapitres concernant la segmentation ou le partage de la valeur, le plan de filière s’est engagé à ce que l’ensemble des exploitations soient auditées sur la question du bien-être animal pour 2025, concrètement, en se calquant sur le rythme de la CBPE, elles le seront toutes en deux ou trois ans. Nous serons donc en avance ! », se félicite Daniel Perrin.

« Globalement, les producteurs travaillent bien. Par exemple, on n’a pas attendu la mesure du bien-être animal pour chercher à adapter nos bâtiments aux coups de chaleur qu’on connaît désormais. Avec des financements de la Région, chez nous dans l’Est, nous avons pu installer des ventilateurs en faveur du confort des vaches », illustre l’éleveur. Mais l’ambition, à travers l’utilisation de ces indicateurs, est aussi de montrer aux citoyens et consommateurs les vertus de la production laitière nationale.

Basé sur l’outil BoviWell existant

À ses côtés, Nadine Ballot, chargée de projets au Cniel, insiste sur la nécessaire « acceptabilité par les éleveurs » d’une telle démarche : « Il était d’abord essentiel de déterminer des indicateurs mesurables dans les exploitations laitières. Et aujourd’hui, il est important d’expliquer que la considération de tous ces indicateurs a un intérêt technico-économique pour les ateliers. » Cette évaluation du bien-être animal développée par le Cniel s’appuie sur BoviWell développé il y a quelques années par Moy Park Beef Orléans, un des principaux fournisseurs de steaks hachés de McDonald’s, et ses partenaires agricoles. Cet outil informatique de diagnostic, « sous forme de tableur assez pédagogique », se décline autour des libertés fondamentales en s’inspirant du protocole scientifique européen Welfare Quality® utilisés par des experts. Il a déjà été déployé dans de nombreuses exploitations françaises productrices de viande bovine.

Noté et positionné par rapport aux autres élevages

Concrètement, dans les structures laitières à partir de 2020, l’évaluateur fera le tour de la ferme avec sa tablette pour relever les informations. Pour chaque indicateur, ses observations ou mesures seront traduites sous forme d’un nombre de points (de 0 à 100). « Ensuite, le programme va agréger ces scores pour délivrer un résultat pour chacune des libertés fondamentales et une note finale. Ainsi, chaque producteur de lait va être positionné par rapport à la moyenne de l’ensemble des éleveurs déjà audités. Cela permettra d’ouvrir la discussion et parfois de définir des pistes d’amélioration », détaille Nadine Ballot.
Si Daniel Perrin estime que la grande majorité des élevages français n’auront pas de difficulté particulière à composter ce nouveau ticket pour le train du plan de filière, il explique que ceux trop mal notés devront s’engager dans une démarche de progrès. « Sans ça, celui qui ne rentrera pas dans le rang ne sera pas charté et donc plus collecté à terme. » 

Un outil simple à mettre en œuvre

Le bien être des vaches est un sujet qui m’intéresse et me touche beaucoup. Pourtant, quand on nous a présenté, à la FNPL, l’idée de ce diagnostic global s’appuyant sur 16 indicateurs, nous avons d’abord craint que ce soit long et compliqué. Mais finalement, en le testant chez nous, cela s’est avéré assez simple à mettre en œuvre, ce qui était une de nos demandes… Qualité du couchage, places à l’auge, disponibilité de l’abreuvement, boiterie, écorchures au niveau des jarrets… Tout part de l’observation. Les producteurs de lait ne doivent pas avoir peur de cette nouvelle démarche car elle vient valider beaucoup de choses que nous faisons déjà, naturellement et quotidiennement. Autant d’efforts et de bonnes pratiques méconnus. Alors que l’élevage est trop souvent décrié, cette évaluation du bien-être doit nous permettre de valoriser notre professionnalisme. L’essentiel est de pouvoir communiquer sur ce qu’on fait de bien.

Nathalie Carmès, Productrice de lait à Louargat (22)


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