Correspondant aux attentes sociétales, le « lait de foin » souhaite se faire connaître en France. En Autriche, porté par un gros budget de communication, il représente 15 % de la production totale.
Dans la liste des enjeux actuels de durabilité, le lait de foin coche de nombreuses cases. Le cahier des charges exige 75 % d’herbe ou de foin dans la ration et interdit les aliments fermentés (comme l’ensilage) et les OGM. « Cela favorise le bien-être animal avec une alimentation adaptée aux vaches qui offrent des protéines de qualité aux humains. Et l’herbe n’entre pas en concurrence avec les céréales qui elles peuvent être mangées par les hommes directement. Elle offre par ailleurs moins de dépendance par rapport aux importations de soja et n’induit pas de déforestation », synthétise Karl Neuhofer, producteur et président de l’association « Heumilch » (lait de foin) en Autriche.
Dans ce pays, le lait de foin représente 15 % de la production totale de lait (450 millions de litres produits par 8 000 éleveurs dont 85 % est transformé en fromage). 600 produits laitiers différents portent le logo. « La qualité et l’aptitude à la transformation de ce lait, le goût des produits sont d’autres atouts, ainsi que la protection de l’environnement liée à la culture de l’herbe », précise l’Autrichien qui a participé à une rencontre des différents acteurs de la filière française, le 26 juin à Piré-Chancé (35) sur la Ferme de la Ville Connue.
50 à 70 €/1 000 L de plus-value
« Les transformateurs (60 laiteries aujourd’hui) et les distributeurs sont présents dans notre association depuis sa création, il y a 15 ans. Chacun y trouve une plus-value. Ces produits sont mieux valorisés car ils sont très bien perçus par les consommateurs. 100 % du lait de foin est valorisé. » Pour les éleveurs, la plus-value par rapport au lait conventionnel est passée de 10 €/1 000 L en 2009 à 50 – 70 €/1 000 L aujourd’hui (180 €/1 000 L en lait de foin bio). Les éleveurs touchent aussi une prime européenne de 150 €/ha s’ils abandonnent totalement l’ensilage. « Cette aide existe aussi en Allemagne, en Suisse, en Italie. »
« En 2009, nous avons développé une communication spécifique sur des médias spécialisés en santé, vers les laiteries, sur les médias sociaux et via des spots télé. Nos messages sont toujours basés sur des recherches scientifiques. »
En Autriche, une marque aussi connue que Coca-Cola
Les financements viennent des producteurs, des laiteries et d’aides publiques au développement rural, soit un budget de 4,5 millions € débloqué chaque année. « La marque “Heumilch” est aujourd’hui aussi connue en Autriche que Coca-Cola. » Actuellement, la filière communique sur le bien-être animal. « Nous avons mis en place notre propre charte. Demain, on parlera peut-être du taux de reprise de nos exploitations très élevé. » Les Autrichiens commencent à mener des actions communes avec les Suisses, l’Italie et la Bavière. « Une communication transfrontalière via des financements européens pourrait être mise en place. »
Par rapport aux fortes quantités d’énergie demandées pour le séchage du foin en grange, Karl Neuhofer invite à considérer la ferme dans sa globalité. « Nos animaux mangent très peu d’aliments autres que l’herbe. Nous utilisons moins d’engrais, de fuel, de phytosanitaires. Et les technologies de séchage progressent permettant des économies d’énergie. Pour l’avenir, je crois au solaire », projette Karl Neuhofer.
La Région soutient la démarche
76 producteurs certifiés ou en cours
Techniquement, produire du lait avec de l’herbe et du foin est intéressant, mais les éleveurs doivent aussi pouvoir identifier leurs produits, bénéficier d’une reconnaissance. Depuis mai 2018, le « lait de foin » est une STG* reconnue en France, gérée par une association. 76 producteurs dont une grande partie dans l’Ouest se sont fait certifier (ou sont en cours de certification) par Certipaq, organisme indépendant accrédité et supervisé par l’État. Nous essayons aujourd’hui d’amener davantage de laiteries autour de la table. Des fonds importants doivent être mis dans la communication. Tous les acteurs peuvent y gagner. * Spécialité traditionnelle garantie : ce signe de qualité européen correspond à un produit dont les qualités spécifiques sont liées à une composition, des méthodes de fabrication ou de transformation fondées sur une tradition. Didier Le Hec, producteur laitier dans le Morbihan et président français de l’association « Lait de foin ».