Agriculteur à Corlay (22) et vice-président chargé de l’agriculture et de l’agroalimentaire à la Région Bretagne, Olivier Allain s’exprime sur les défis de l’agriculture pour les années à venir.
Vous incitez, pour ne pas dire « pressez », les agriculteurs bretons à changer leurs pratiques. Pourquoi cette insistance ?
Olivier Allain : Parce que l’agriculture est directement concernée par le changement climatique et qu’elle constitue aussi le premier levier capable d’apporter des réponses concrètes et rapides à ce dérèglement qui affecte et affectera de plus en plus toute l’humanité si nous ne faisons rien. Et à cet égard, je refuse d’entendre dire : « À quoi bon faire des efforts puisque l’Europe ne représente qu’une petite partie de la population de la planète ». À tous ceux-là, je réponds : « L’Europe a le devoir de montrer l’exemple ».
Est-ce à dire que l’agriculteur de vaches allaitantes de Corlay que vous êtes est déjà impacté par le changement climatique ?
O. A. : Même s’il faut se garder de tirer des conclusions à long terme à partir de ce que nous vivons sur le moment, nous, agriculteurs, voyons bien que les saisons culturales ont changé en moins d’une génération. Même en Centre-Bretagne, la production d’herbe n’est plus ce qu’elle était il y a 20 ans. Nous devons souvent puiser plus précocement dans les stocks pour faire la soudure en fin d’été. En Centre-Bretagne aussi les étés deviennent plus secs.
Changer ses pratiques ne fera pas revenir la pluie…
O. A. : Non. (Rires). Mais passer au non-labour, semer de nouveaux mélanges d’espèces, revoir les rotations, etc., permet de préserver, et bien souvent d’améliorer les rendements. Je le répète souvent : l’agroécologie n’est pas l’ennemi de la compétitivité ; au contraire, car elle permet en plus d’économiser des intrants qui seront de plus en plus chers et qui sont émetteurs de gaz à effet de serre. Très souvent, les résultats économiques des agriculteurs très investis dans le changement de pratiques montrent que l’agroécologie permet d’être très compétitif.
Comment la Région accompagne les agriculteurs vers le changement ?
O. A. : Depuis 2015, la Région Bretagne est un ardent promoteur des Mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) signées par 5 000 exploitations. La Bretagne a mis 220 millions d’euros dans ce dispositif. Aucune autre région n’a mis autant d’argent. Faut-il rappeler que la Région accorde 30 M€ chaque année à son agriculture, ce qui la place au premier rang des régions françaises. Depuis 2015, le budget consacré à l’agriculture a beaucoup augmenté.
Oui, mais les premières MAEC signées en 2015 arriveront à échéance en 2020…
O. A. : Il est sans doute trop tôt pour dire comment nous établirons la transition. Mais nous y réfléchissons.
D’autres dispositifs complémentaires existent en parallèle. Le Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) est là pour soutenir les investissements avec toujours la compétitivité en ligne de mire ; avec, dès le départ, cette volonté de plafonner les aides pour que le maximum d’agriculteurs puisse en bénéficier. Faut-il rappeler que 6 500 exploitations ont bénéficié de ce dispositif et que seulement 52 dossiers ont été ajournés.
Dans le cadre de Breizhcop, la Région vient par ailleurs de flécher 300 000 € pour mener une expérimentation dans une station de la Chambre d’agriculture pour mesurer l’effet de légumineuses dans la ration des porcs comme cela se fait en Europe du Nord. L’introduction de la luzerne et du trèfle violet permet simultanément de réduire la dépendance à la protéine étrangère, de favoriser le bien-être et la santé, d’enrichir les rotations culturales qui, on le sait, ont un impact agronomique favorable : enrichissement du sol en matière organique et en azote, meilleure rétention de l’eau, maîtrise sanitaire des maladies et donc diminution des intrants, etc.
Vous avez également confirmé récemment à une assemblée de groupement porc qu’un éleveur de Pléguien percevrait 50 000 € pour un projet innovant. De quoi s’agit-il ?
O. A. : En effet. La Région s’est engagée à cofinancer 10 porcheries « expérimentales » que l’on peut qualifier de « high-tech » en matière de bien-être, d’environnement, tout en gardant bien tête l’aspect productivité. Neuf autres projets à venir qui seront proposés par chacun des groupements percevront une enveloppe d’un même montant.