La Région veut rester autorité de gestion pour les aides du 2nd pilier et être force de proposition pour la Pac post 2020.
L’Europe est une véritable mosaïque agricole. Aussi, 14 régions de 6 pays européens ont décidé de se fédérer pour défendre leurs originalités territoriales, d’être unies dans la diversité pour défendre leurs spécificités et peser dans les réflexions sur la Pac post 2020, pour une agriculture plus équitable et durable. « Qui pourra nous démontrer que l’État fera mieux que nous ? Personne », apostrophe Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne, instigateur de cette coalition, lors d’une conférence au Space jeudi 13 septembre. L’expérience et la réussite en Bretagne des Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) en est une des preuves, selon lui. Le réseau régional est « un levier indispensable pour promouvoir et réaliser les transitions agro-écologiques, la compétitivité et l’attractivité des exploitations agricoles et des zones rurales ». Pour y parvenir, la Coalition des Régions demande le maintien de la régionalisation des fonds Feader (2e pilier de la Pac). Car, en l’état actuel des discussions de la Pac, l’enveloppe des aides du 2e pilier recentralisée diminuerait par exemple de 12 % (-53 M €) pour la Bretagne.
Une Pac plafonnée à la taille des exploitations
« Notre région a pour ambition de devenir leader du bien manger pour tous. Nous souhaitons avec cette coalition que l’ensemble de nos politiques soient en phase avec cette position. Nous pourrons ainsi donner une ligne directrice pour les 50 ans qui viennent », appuie-t-il. Une vision à long terme nécessaire pour réussir la transition agro-écologique, « et donner espoir à la jeunesse pour qu’elle continue à s’engager dans notre agriculture ». Le tout, pour assumer l’autonomie alimentaire au niveau européen. Car, pour le président de Région, la Bretagne a pour vocation de produire de manière importante : la Bretagne, dense de 3,2 millions d’habitants, produit pour 20 millions d’habitants. Cependant, « si la Pac est régionalisée, elle sera aussi plafonnée à la taille de l’exploitation. Car l’agriculture sans visage, non transmissible, ce n’est pas ce que nous voulons… Il faut en finir avec l’uniformité des modèles, renouer le contact avec nos concitoyens qui font la vitalité démocratique. Et cela passera par le lien au terroir. »
Les 7 représentants des régions européennes engagées dans cette coalition AgriRégion l’ont tous noté lors de la conférence : il faut marier l’agriculture avec le tourisme, sauver les spécificités des territoires, assumer une transformation des systèmes agricoles… Cela ne peut pas être géré par Bruxelles ou Paris. Avec plus de décentralisation, « on obtiendra plus de proximité vitale avec le consommateur et on va gagner en réactivité. Notre souhait à nous, élus, est aussi d’aller chercher de la simplification dans la future Pac. Mais ce n’est pas facile… », ajoute Lydie Bernard, vice-présidente de la Région Pays de la Loire. Toujours est-il « qu’il faut arrêter d’avoir une approche globale, une approche de guichet. On doit passer à une approche de projet. »
Co-construire ensemble
Si, pour la Région, la Pac peut se construire à 3 (Commission européenne, État, Région), André Sergent, président de la Chambre régionale d’agriculture, n’a pas manqué d’insister sur la légitimité des élus professionnels. « Il est nécessaire de co-construire ensemble », a-t-il rappelé. « Il est important de maintenir les aides du 1er pilier. Le 2nd pilier est effectivement intéressant pour réaliser la transition agricole de nos exploitations agricoles familiales, qui devra se faire dans la durée. Car on doit s’adapter, et en particulier au climat ». Pierre-Yves Jestin, président de Savéol et membre de l’ABEA (Association bretonne des entreprises agroalimentaires), rajoute : « L’enjeu de la réussite de l’agriculture de demain, c’est la gestion de la communication, pour répondre aux attentes sociétales. On doit aussi s’appuyer sur la technologie et la science pour mieux prévoir et s’adapter aux besoins, sur un marché devenu mondial, pour éviter de subir des crises de surproduction ou les conséquences des aléas climatiques. Et dégager du revenu pour attirer les jeunes vers nos métiers. »
L’installation, au cœur du débat
Mais l’agriculture n’attirera des jeunes que si elle est durable et transmissible. « En 10 ans, nous avons installé 30 personnes en maraîchage », poursuit Pierre-Yves Jestin, à la tête d’une coopérative de 120 adhérents. « On a misé sur l’installation en embauchant un cadre technique, en créant un groupe de travail en interne et en axant la communication sur l’installation, pour les salariés ou les enfants de nos 120 maraîchers, ou pour des personnes extérieures à la structure. Les OPA doivent aussi avoir un projet d’entreprise avec un modèle économique qui tient dans la durée. »