En plein territoire rural, des habitants ont créé un espace de bureaux partagés pour mutualiser des moyens et créer des liens humains.
Il y a une vingtaine d’années, accompagnés notamment par le développement d’Internet et de la mobilité professionnelle, des espaces de « coworking » ont commencé à fleurir dans les grandes villes européennes. Comprenez des lieux de travail ou d’activité mutualisés où chacun peut profiter, ponctuellement ou plus durablement, des lieux et services moyennant un loyer ou un ticket d’entrée. Le phénomène a peu à peu gagné les villes moyennes et est parfois devenu une véritable activité économique pour des investisseurs.
« Dans l’esprit des élus et des gens, ce type de tiers-lieu a une vocation citadine. Mais en réalité, les nouveaux métiers et modes de travail existent aussi à la campagne », explique Anthony Sérazin, comédien installé à Peillac (56) et bien connu pour son spectacle sur la marque Hénaff. « Dans nos petits bourgs, il est évident qu’il n’y aura plus de quincailleries, d’épiceries ou de bistrots, avalés par le développement des grandes surfaces et aujourd’hui de la distribution en ligne. Mais il y a de véritables opportunités à mettre en place des espaces de rencontre, de création et de mutualisation en milieu rural », poursuit l’un des fondateurs du Fauteuil à ressort, espace de bureaux partagés inauguré en 2015 dans cette commune de moins de 2 000 habitants en Pays de Redon.
Séparer sphères privée et professionnelle
Administratrice pour Koroll, prestataire dans le milieu du spectacle situé à Guerlédan (22), Gaïa Homan était également là au début de l’aventure. Avant le lancement du Fauteuil à ressort, elle a travaillé à domicile. « Dans le cadre de notre projet familial, nous sommes arrivés à Peillac en débarquant du Centre-Bretagne. Pendant deux ans, j’ai bossé chez moi en mettant en place des outils de télétravail », raconte-t-elle. Avant de souligner la difficulté de séparer sphère professionnelle et sphère privée. « J’avais besoin de retrouver un espace dédié à mon métier où je suis concentrée. À la maison, quelqu’un qui passe ou des choses à ranger avant de me mettre au travail me perturbaient. »
En fait, la commune comptait de nombreux travailleurs indépendants, « isolés », exerçant ou s’exerçant dans un coin de salon, un bout de grenier, un garage ou un mobile-home. C’est ainsi qu’une dizaine de personnes motivées ont investi un ancien hôtel qui avait cessé son activité dans les années 70. « Tout le monde a mis la main à la pâte et des artisans locaux ont donné des coups de pouce. Nous avons tout refait – électricité, peinture, sols – et même transformé une salle de bain en espace cuisine convivial. » Le Fauteuil à ressort était né.
L’institution compte 11 bureaux. Et si le loyer est modique (voir encadré), les places sont pourtant chères. Victime de son succès, le Fauteuil est saturé puisqu’il compte aujourd’hui pas moins de 19 colocataires permanents. Certaines pièces étant partagées par deux personnes. « En général, les gens qui visitent notre lieu accrochent tout de suite. Quand un bureau se libère, il est repris aussitôt », témoigne Élodie Rudelle, régisseuse lumière, qui s’est installée à Peillac il y a trois ans pour rejoindre son mari agriculteur.
L’idée du faire ensemble
Couturière, paysagiste, charpentier, graphiste, créateur de sites web, consultante en communication, animatrice nature, auteur… Les métiers hébergés sous ce toit sont divers. Tous les usagers du lieu rapportent unanimement l’intérêt de ce terreau fertile pour « créer des liens aussi bien professionnels qu’humains ». Élodie Rudelle et Anthony Sérazin insistent : « Ce n’est pas qu’un lieu de consommation de mètres carrés, mais plutôt de faire ensemble. Ici, nous finissons tous par travailler les uns avec les autres ou les uns pour les autres puisqu’il y a une véritable concentration d’expertise, de talents et de savoir-faire. C’est une aubaine ! »