Si l’accord conclu le vendredi 18 octobre vaut sans doute mieux qu’un “no deal” pour ce long et douloureux divorce qu’est le Brexit, les agriculteurs des vingt-sept pays de l’Union européenne et du Royaume-Uni sont dans l’attente de la signature des textes.
Plus de trois années se sont écoulées depuis le référendum proposé aux Anglais par David Cameron, alors Premier ministre du Royaume-Uni, au cours duquel les Britanniques ont exprimé leur volonté de sortir de l’Union européenne. Trois années de tergiversations, de spectacles politiques – où le flegme britannique a quelque peu disparu – qui mettent nombre de filières européennes en haleine, sachant que l’issue avec ou sans accord impactera leur fonctionnement actuel. C’est le cas des filières viande, et en particulier de la production ovine.
Les Anglais désencombrent leur marché
Alors que se trament les dernières négociations, la tension monte. Pas encore déclaré, le Brexit commence déjà à faire sentir ses effets en ovin. « Après deux mois fluides où les cours ovins se sont redressés, on arrive dans une phase stagnante, avec des cotations inférieures aux années passées, car le marché français est encombré par la viande britannique à très bas coût, empêchant les Français d’écouler leurs stocks », analyse Cassandre Matras, de l’Institut de l’élevage. Les éleveurs britanniques, à l’approche de la date fatidique du 31 octobre, sont dans la crainte d’un Brexit dur – toujours possible malgré les avancées “positives” des négociations de ces 10 derniers jours. On l’a vu et revu, les rebondissements étant monnaie courante dans ce dossier… –. En attendant que les négociations soient signées et ratifiées par le Parlement britannique et les 27 membres de l’Union européenne, les Anglais désencombrent leur marché après une saison de production d’agneaux intense, craignant la baisse des flux commerciaux à venir qui seraient demain régis par les tarifs douaniers de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en cas de « no deal ».
6 kg sur 10 consommés sont importés
À l’heure du bouclage du journal, à une semaine de l’échéance, toujours pas ou peu d’avancées. Mardi 2 octobre, les députés britanniques ont enfin fait émerger une majorité pour le texte négocié avec Bruxelles le vendredi 18 octobre… avant de refuser son examen accéléré ; la sortie de l’Union européenne au 31 octobre paraît donc à ce jour compromise. « Nous sommes éberlués par ce qui se passe. En saura-t-on plus le 1er novembre ? Rien n’est moins sûr… », intervient Michèle Boudoin, présidente de la FNO (Fédération nationale ovine). Pourtant, la réponse était fortement attendue, tant les interrogations persistent depuis 3 ans. L’équilibre du marché et la pérennité de la filière ovine française en dépendent. 6 kg sur 10 kg de viande ovine consommés en France sont importés. Le Royaume-Uni est de loin le premier fournisseur (environ 55 % des achats de viandes fraîches), devant l’Irlande (20 %), les pays tiers comptant pour 15 % : cette viande est produite à moindre coût que la production française et permet à la viande ovine d’être bien visible dans les rayons. Sans accord du Brexit, elle sera taxée ; le consommateur n’accèdera ainsi plus à cette viande d’entrée de gamme sur les étals.