Point de vue : Vers une révolution agricole

 - Illustration Point de vue : Vers une révolution agricole
De g. à dr. : Véronique Marchesseau et Jean-Marc Thomas, Confédération Paysanne ; Philippe Pointereau co-directeur de Solagro ; Henri Daucé, Confédération paysanne ; Thierry Burlot, président comité de bassin Loire Bretagne.
Réchauffement, bouleversement climatique, augmentation des gaz à effet de serre sont des thématiques qui sont sur toutes les lèvres. Pour Philippe Pointereau, il est possible de diminuer les effets négatifs en baissant la production et la consommation de viande.

« Nous constatons ces dernières années une augmentation des températures, des sécheresses plus nombreuses et des ressources en eau qui diminuent. Tout cela influence les cultures agricoles, mettent à mal les agriculteurs et la sécurité alimentaire. L’agriculture émet 23 % des gaz à effet de serre (GES) du pays. Quelles pratiques agricoles faut-il promouvoir pour réduire notre impact climatique », interroge Soazig Le Bot, de la Confédération paysanne de Bretagne, lors de l’assemblée générale qui s’est déroulée à Lanouée (56) le 3 octobre. Pour Philippe Pointereau, co-directeur de l’association Solagro, il faut coupler agriculture et alimentation pour tendre vers un système alimentaire durable.

La France, gros consommateur de protéines

La France est le pays qui consomme le plus de protéines (végétales et animales) au monde juste devant les États-Unis. « Notre surconsommation de protéines est de l’ordre de 1,7 par rapport aux recommandations de l’OMS. Nous devons réduire notre consommation de protéines animales », estime Philippe Pointereau. Les rendements des cultures n’augmentent plus depuis 1996 et on constate un effet yoyo sur ces rendements selon les années. « Concernant les produits animaux, la France exporte plus qu’elle n’importe en équivalent surface : 3,7 millions d’hectares exportés contre 2,6 millions d’hectares importés. En prenant en compte les importations de soja, cette balance s’inverse. La France a aussi besoin de surfaces importantes en thé, cacao et fruits et légumes. Ainsi le soja représente un flux net d’importation de 1,3 million d’hectares, le cacao 473 000 ha, l’olive 245 000 ha, le coton 159 000 ha, l’orange 127 000 ha et l’huile de palme 108 000 ha. » Pour le co-directeur de Solagro, la stratégie serait de développer des légumineuses pour remplacer les protéines animales.

Baisser la consommation de viande

« Il faut 23 % de surface agricole en moins pour nourrir un consommateur bio. Il faut 4 500 m2 de surface pour nourrir un consommateur alors qu’il faut 3 500 m2 pour un bio. On estime que 90 % de la SAU française est cultivée pour la consommation animale. En changeant notre alimentation nous pourrons baisser de 23 % les émissions de GES et nous pouvons même viser une réduction de 50 % », lance Philippe Pointereau. Il en vient à la conclusion que la diminution de GES ne se fera pas sans une baisse de la consommation de viande. Entre un régime très carné et une alimentation 100 % végétale les émissions de GES sont divisées par 3. Le changement de système agricole ne va pas influencer les émissions, l’exemple du poulet label qui consomme plus d’aliment pour produire 1 kg de viande en est la preuve. « Dans le Grand Ouest, il faudra passer de 1,8 million de vaches laitières à 0,8 million. Pour les allaitantes passer de 1 million à 0,2 million voire aller vers des races mixtes laitières. Il faudra aussi diminuer le nombre de porcs et de volailles », indique Philippe Pointereau. Jean-Marc Thomas, porte-parole de la Confédération paysanne Bretagne, estime qu’il faut 50 000 fermes en Bretagne et 100 000 paysans pour nourrir la population de notre région. « Je suis conscient qu’il va falloir diminuer les effectifs d’animaux d’élevage pour réduire les GES, mais nous devons aussi nous appuyer sur les atouts de la Bretagne que sont nos prairies et nos linéaires de bocage pour stocker du carbone. Entre 2013 et 2018, nous avons perdu 100 000 ha de prairies ce qui n’est pas normal », s’indigne Jean-Marc Thomas. Il conclut : « Nous n’attendons pas une mutation mais bel et bien une révolution agricole. »


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