Ne pas opposer repro et robot

 - Illustration Ne pas opposer repro et robot
En système de traite automatisée, l’expression des chaleurs dépend beaucoup du confort de l’environnement des animaux, et notamment de la qualité des sols.
Régulièrement, Cyril Urlande, vétérinaire conseil, anime les Clubs Robot, rendez-vous dédiés proposés aux adhérents du groupe coopératif Triskalia. Il revient sur les enjeux de la reproduction en traite automatisée.

« On entend souvent dire que l’augmentation de la production est corrélée avec la dégradation de la reproduction. Mais ce n’est pas forcément vrai », démarre Dr Cyril Urlande, vétérinaire bovins chez Triskalia. Celui-ci rapporte des informations issues de la base de données Reproscope pilotée par l’Institut de l’élevage : « L’intervalle vêlage – IA fécondante moyen est très sensiblement le même, entre 145 et 148 jours, pour les troupeaux à moins de 7 000 kg de lait par vache et par an que pour ceux entre 7 000 et 9 000 kg ou ceux à plus de 9 000 kg… Parmi les cheptels à très haut niveau de production, on rencontre ainsi d’excellents bilans de reproduction chez certains éleveurs. »

Chaleurs plus courtes

En système de traite automatisée, le niveau d’étable est souvent supérieur. « Or les VHP ont des durées de chaleurs plus courtes. Des études montrent ainsi que l’expression d’une chaleur chez une vache donnant 50 à 55 L de lait par jour dure 2,8 heures, contre 14 heures pour celle donnant 20 à 25 L. » Malgré cela, la détection n’est pas forcément plus mauvaise avec des robots grâce aux outils à disposition (mesure de l’activité, dosage d’hormones dans le lait…). « Ce n’est pas la présence d’un automate qui dégrade la repro. Les résultats dépendent d’abord des moyens qu’on y met. » Un éleveur très occupé qui profite de l’installation de robots de traite pour s’occuper d’autres choses (nouvelle production, culture, mandat…) risque de voir la reproduction se dégrader s’il n’y consacre plus le temps nécessaire.

Cyril Urlande estime qu’un éleveur qui passe deux périodes de 15 minutes par jour à observer les animaux à des moments calmes (matin, milieu de journée ou soir…), c’est-à-dire non perturbés par une distribution de la ration ou un autre événement, détecte au maximum 50 à 60 % des chaleurs selon certaines études. « Mais en traite automatisée, l’expression des chaleurs est parfois moins visible du fait de l’augmentation de production. Les solutions de monitoring sont alors une aide précieuse. » Les podomètres ou activimètres atteignent 63 et 90 % de détection, alors que la mesure du taux d’hormone dans le lait atteint 99 %…

Être à son affaire, même en robot

« Cependant, même si ces outils facilitent le travail, il faut conserver une observation visuelle. Car toute vache qui n’a pas été vue en chaleur 35 jours après le vêlage doit être surveillée. » Souffre-t-elle d’une métrite ? Ses chaleurs sont-elles silencieuses et non détectées par le système de mesure de l’activité ? Ou irrégulières suite à un avortement ou une mortalité embryonnaire ? A-t-elle des ovaires au repos ? « Une vache en acétonémie par exemple a pas ou peu d’activité ovarienne. »

Sans oublier que l’expression des chaleurs dépend beaucoup du confort de l’environnement des animaux. Sur sol glissant, ne pas s’attendre à noter un nombre de chevauchements importants. « Si plusieurs vaches sont en chaleur en même temps, c’est d’autant plus fréquent quand les effectifs augmentent, elles s’auto-entraînent (voir tableau) et l’expression est plus visible… À condition que les animaux soient sûrs sur leurs pattes. »

Attention au mois moyen en lactation qui s’envole

La surveillance assidue reste primordiale. « Ce n’est pas 130 jours après vêlage qu’il faut s’inquiéter de ne pas voir une vache revenir en chaleur ou souffrir d’une métrite. Pas la peine alors d’aller voir son nutritionniste pour se plaindre qu’elle ne fait pas de lait : si le mois moyen en lactation est très avancé, sans surprise, il n’y aura pas de miracle en termes de production », insiste le vétérinaire. Et d’enfoncer le clou en précisant que, tous systèmes de conduite confondus, la performance économique de l’atelier laitier est à relier directement au jour moyen de lactation du troupeau. « L’objectif est de se situer en dessous de 180 jours. »

L’enjeu est encore plus grand en système automatisé. Une vache à 12 L de lait par jour passera en salle de traite traditionnelle. Mais au robot, attention. « Si en moyenne, le troupeau est trop avancé en lactation, la production par vache diminue. » Les vaches peuvent se contenter de la ration à l’auge pour couvrir leurs besoins et l’aliment du robot n’est plus très attractif. « Le nombre d’animaux à devoir pousser à la traite augmente aux dépens du temps de travail de l’éleveur. » Vu ses faibles droits d’accès à l’aliment, une vache peu productive ne passera dans la stalle qu’une fois par jour. « Et si c’est une dominante ou une gourmande, elle se placera devant l’automate et empêchera les autres de se faire traire. » Dans le cas de robot saturé, où la machine a très peu de temps libre, ces vaches coûtent cher car elles gênent les autres, pénalisent les primipares ou les malades qui n’auront pas la force de batailler. « Là, la fréquentation de la machine baisse et le lait produit par stalle diminue. La rentabilité est impactée. »

Avoir des objectifs précis en tête

On parle d’un manque à gagner de 1 à 5 € par jour d’IVV supplémentaire. « Il faut donc chercher à inséminer tôt les multipares. Surtout qu’avec les robots, on peut bénéficier d’une courbe de suivi d’état (pesée ou caméra selon les fabricants) pour constater si la période d’amaigrissement de début de lactation est terminée. » Certains recommandent de cibler 1,7 IA pour obtenir une gestation. « Les éleveurs qui commencent à inséminer systématiquement à partir de 40 jours après vêlage consomment davantage de doses… Mais au final, ils réduisent l’IVV et le jour moyen en lactation », rapporte Cyril Urlande. Rappelons les objectifs pour ces deux critères : « Visez autour de 380 à 385 jours d’IVV pour des VHP. Et pour des vaches produisant 7 000 kg de moyenne, ambitionnez même un veau par an. Pour le mois moyen en lactation, visez autour de 5,5 mois (entre 160 et 180 jours). » 

L’épigénétique pour sélectionner des vaches à robot

Pour le renouvellement, beaucoup d’éleveurs se concentrent sur la démultiplication des génisses en utilisant de la semence sexée. Une manière d’intégrer très rapidement les toutes dernières génétiques à leur cheptel. « Mais pour moi, il faudrait s’intéresser davantage aux animaux en 4e lactation ou plus qui enchaînent les campagnes laitières et donc se reproduisent bien. Cela signifie qu’elles remplissent à chaque fois et sont bien adaptées à leur environnement. Dans sa stratégie de sélection, il faudrait insister sur la notion d’épigénétique : la capacité de ces vaches à transmettre à leur descendance, au-delà des gènes, la capacité à bien les exprimer dans le milieu », estime Cyril Urlande.

« L’équilibre de la ration des taries est souvent négligé : excès d’énergie (engraissement), manque de protéines (engraissement et manque de stimulation de la flore ruminale), Baca pas maîtrisée (pH urinaire trop élevé)… Résultat : la transition vers la ration de production est difficile, le déficit énergétique se creuse, l’animal maigrit et pénalise ses performances de reproduction. On n’insiste pas assez notamment sur les besoins en protéines de la vache tarie. On parle trop souvent d’apporter de l’urée alors que ce sont des acides aminés qu’il manque. Pour rappel, en période sèche, la vache doit ingérer plus de 1 000 PDI par jour et recevoir une ration à 14 % de MAT / kg de matière sèche. Sur le terrain, on est souvent à moins de 12 % ! Or, en traite robotisée, la ration de début de lactation titre généralement à 16 ou 17 % de MAT. Si au tarissement, le régime était à 12 %, la flore du rumen a un énorme bond à faire pour s’adapter et pouvoir valoriser l’ingéré. En partant de 14 % de MAT à la période sèche, la transition sera plus simple ».

Devant une vache en métrite, se contenter seulement d’un traitement antibiotique, c’est se priver d’une partie des chances de guérison. Le problème invite à se pencher sur le métabolisme énergétique en réalisant une mesure de la glycémie et des corps cétoniques dans le sang. Si l’animal est en déficit énergétique, il aura beaucoup moins de chance de guérison. Un cas isolé de métrite peut renvoyer à une vache en hypocalcémie au vêlage qui a induit une baisse d’ingestion et donc un plus grand déficit énergétique. Elle fréquente peut-être quand même le robot mais ses défenses immunitaires fonctionnent moins bien pour éviter ou lutter contre l’infection. Si d’autres métrites sont observées, peut-être faut-il se pencher sur l’alimentation à la période sèche ou la densité énergétique du régime en début de lactation. Il est important de lister et de comptabiliser les problèmes. Grâce au logiciel de conduite de troupeau, il est simple d’éditer des listes pour se rendre compte de l’ampleur d’un phénomène. Parfois, on s’aperçoit qu’il y a un effet saison : si les métrites arrivent surtout l’été quand, occupé par la moisson, on est moins rigoureux dans le suivi des animaux, on pourra y porter plus d’attention à l’avenir.

L’incidence des mammites influe sur le taux de gestation. Dans les troupeaux touchés par des infections mammaires cliniques ou subcliniques, en général, on constate un moins bon taux de réussite à l’IA. Cela s’explique notamment par des phénomènes hormonaux : la présence des médiateurs de l’inflammation a un effet négatif sur la synthèse de la LH dont le pic déclenche l’ovulation et des prostaglandines. La présence d’une mammite génère aussi une consommation d’énergie au détriment de la production laitière et du maintien d’une bonne glycémie. Plus globalement, tout ce qui perturbe le métabolisme du glucose est néfaste à la production d’ovules de qualité et à de bonnes performances de reproduction : maladies, ration déséquilibrée, engraissement… Il faut donc se méfier d’une ration trop déconcentrée en énergie pour prévenir tout risque d’acidose. Une fausse bonne idée qui, au final, pénalisera la reproduction.


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