C’est un projet de réforme de la Pac pour le moins surprenant qu’a rendu France Stratégie le 23 octobre, moins de quinze jours après que le ministère de l’Agriculture a débuté la consultation sur le plan stratégique de la France.
L’avenir de la Pac pourrait-il être en train de s’écrire dans les bureaux modernes et impersonnels de France Stratégie, plutôt que sous les ors de la Rue de Varenne ? Rien n’est moins sûr, mais comment l’exclure ? Dans un rapport présenté le 23 octobre, France Stratégie, organisme placé sous l’autorité du Premier ministre, dessine une Politique agricole commune archi-simplifiée, articulée autour de deux propositions phares. La première : une distribution des aides du premier pilier par « unité de travail agricole », et non plus à l’hectare comme aujourd’hui.
Accélérer la transition écologique
La seconde consiste en un système de bonus-malus visant à « encourager les bonnes pratiques agricoles ». Le malus consisterait en des taxes sur les intrants (phytosanitaires, engrais, médicaments vétérinaires) et sur les émissions de gaz à effet de serre. Les sommes récoltées permettraient de financer des bonus alloués au maintien des prairies permanentes, à la diversification des cultures et aux SIE (Surfaces d’intérêt écologique).
Le principe de la Pac version France Stratégie est limpide : pousser les agriculteurs à accélérer la transition écologique sous peine de voir leurs subventions se réduire. Des propositions à l’impact encore incertain, mais qui feront probablement rebondir le débat sur la répartition des aides européennes. Car passer d’un paiement à la surface à un paiement à l’actif constituerait une petite révolution dans l’histoire de la Politique agricole commune. Concrètement, France Stratégie veut revoir la clé de répartition de l’ensemble des aides du premier pilier actuel (DPB et paiement vert, soit 5,7 Md € pour la France). Ce nouveau paiement pourrait atteindre en moyenne 8 000 € pour chacun des 711 000 exploitants et salariés de la ferme France, avec l’hypothèse d’un budget de la Pac constant.
Des avis partagés
Dans un communiqué du 25 octobre, la Confédération paysanne accueille positivement ce récent rapport. Elle appuie en particulier les propositions de remplacer les aides à l’hectare en aides à l’actif, et les contrats de transition sur sept ans, et la taxation des pesticides, engrais et antibiotiques. Elle dénonce en revanche le « peu d’ambition » sur la régulation des marchés. Même enthousiasme chez les Amis de la terre, mais uniquement sur le système de bonus-malus. L’avis est « plutôt mitigé » du côté des Jeunes Agriculteurs, qu’il s’agisse du bonus-malus ou de l’aide à l’actif. « Il faut prendre nos distances avec l’aide à l’hectare, car ce n’est pas structurant, explique Julien Caillard, responsable Pac pour les JA. Mais il ne faut pas en faire seulement une aide à l’actif ; il faut notamment que cela soit accompagné d’un projet. Et puis il faut s’entendre sur une définition de l’actif ». La FNSEA n’a pas souhaité « faire de commentaires ». Quant à la Coordination rurale, elle se dit « dubitative » et évoque « un rapport sur le dos de l’agriculture, mais pas pour l’agriculture », estime le président du syndicat Bernard Lannes.
Des propositions loin d’être reprises systématiquement
Interrogé par Agra Presse le 23 octobre, le cabinet du ministre de l’Agriculture estime que le rapport est « une contribution comme une autre à la consultation lancée il y a quinze jours. Elle ne représente pas l’avis de Matignon. Nous allons l’intégrer à nos réflexions. » Une manière, peut-être, de minimiser la portée de ce travail qui ne cadre pas tout à fait avec les orientations de la Rue de Varenne.