Le vétérinaire Jérôme Caudrillier anime les formations « Devenir acteur de sa reproduction » proposées par Innoval Académie aux éleveurs qui veulent se situer et reprendre en main les performances de leur élevage. Rencontre.
[caption id= »attachment_43431″ align= »alignright » width= »208″] Jérôme Caudrillier, vétérinaire[/caption]
« Les troupeaux des éleveurs bretons sont capables de produire davantage de lait. Mais, dans la région, des intervalles vêlages – vêlages trop longs grèvent ce potentiel », démarre Jérôme Caudrillier, responsable produits reproduction chez Evolution. « Il y a énormément à gagner, cependant la question de la reproduction est souvent mise de côté. » Pour le spécialiste, les éleveurs n’y mettent pas les moyens et n’obtiennent logiquement pas les résultats attendus. « C’est presque un sujet tabou. Les producteurs de lait ne s’en préoccupent pas d’abord parce qu’ils n’ont pas pris conscience de l’impact de l’IVV et n’ont pas d’objectifs-repères en tête… En faisant les choses dans le bon ordre, c’est simple, il y a des euros à gagner. »
Maximiser le lait par jour de vie
Indépendamment du niveau d’étable, pour Jérôme Caudrillier, les éleveurs doivent chercher à maximiser le lait produit par jour de vie de leurs animaux. Pour ce faire, il existe deux leviers principaux : rechercher un premier vêlage précoce et diminuer l’intervalle vêlage – vêlage (IVV). « Passer de 365 à 405 jours d’IVV pour un troupeau de 50 laitières signifie devoir conduire deux vaches supplémentaires pour livrer la même quantité de lait… », calcule le vétérinaire. « On n’y pense pas, mais quand la référence laitière d’un atelier augmente par exemple de 30 000 L, plutôt que d’acheter des animaux pour les produire, chercher à diminuer l’IVV est une option rentable et efficace. » C’est aussi une solution intéressante à recommander pour répondre à un problème de surpopulation dans une étable. L’optimum économique pour un cheptel produisant moins de 9 000 kg de lait par lactation est à relier à un IVV compris entre 340 et 370 jours, « c’est-à-dire en gros un veau par vache et par an ». Pour des niveaux d’étable supérieurs, « pour maximiser la marge brute, je recommande de se situer en dessous de 400 jours tout de même ».
« Attendre pour inséminer n’améliore pas la fertilité »
Pour optimiser l’IVV, il faut chercher à raccourcir le délai de mise à la reproduction après le vêlage. « Ce n’est pas assez souvent une priorité dans beaucoup d’élevages. Pourtant, attendre n’améliorera pas la fertilité, c’est-à-dire le taux de réussite à l’IA », rappelle le spécialiste. Suite à la mise bas, la phase d’involution utérine est sensible. « Ce phénomène représente une masse de 10 kg de tissu que l’animal doit résorber. Des bactéries et des cellules du système immunitaire sont à l’œuvre. Mais une fois que l’utérus a retrouvé sa forme initiale et qu’il y a une reprise de cyclicité des ovaires, la femelle est apte à la reproduction. Parfois, cela prend moins de 40 jours. » Proposés par les techniciens ou les vétérinaires, le constat d’aptitude à la reproduction ou constat d’involution doit permettre de faire le point sur l’état et la santé de l’appareil reproducteur : est-il prêt à recevoir la gestation ?
Le tarissement en question
Suite à la mise bas, l’expulsion du placenta doit intervenir dans les 6 heures. « 12 heures maximum. » Au-delà, on parle de « non-délivrance » ou plutôt de rétention placentaire. Pour que la vache délivre rapidement et assure son involution utérine dans les jours qui suivent, Jérôme Caudrillier déconseille fortement tout traitement hormonal ou antibiotique qui détruit la flore naturelle de l’appareil reproducteur. « Il faut laisser faire la nature. L’apport d’un produit à base d’extraits de plante peut par contre être intéressant pour accompagner l’animal. » Si l’incidence de ces pathologies post-partum est forte (rétention placentaire, défaut d’involution utérine, métrite…), les performances de reproduction en seront forcément très impactées négativement. « Par exemple, au-delà de 10 % de vaches concernées par des rétentions placentaires, contactez votre vétérinaire pour qu’il vous accompagne dans la recherche des causes. Est-ce infectieux ? Ou est-ce à relier, comme bien souvent, à une mauvaise gestion de la période sèche ? »