Volaille : Une difficile cohabitation

 - Illustration Volaille : Une difficile cohabitation
Pour passer en volailles de chair Olivier Guévelou a installé des fenêtres sur ses poulaillers, du chauffage, des perchoirs, changé ses chaînes d’alimentation et les lignes d’abreuvement.
En passant de la volaille repro à la chair cet éleveur ne pensait pas que le voisinage se liguerait contre lui pour tenter de faire échouer son projet.

La vie d’un éleveur est très souvent faite de rebondissements et ce n’est pas Olivier Guévelou, aviculteur à Bégard dans les Côtes d’Armor, qui vous dira le contraire. En 2017, il se lance dans l’élevage de poules reproductrices. « J’avais un effectif de 38 600 repro sur 4 000 m2 de poulaillers et j’étais en contrat avec un couvoir proche de l’exploitation. »

Confronté à un problème récurrent de ponte au sol, il décide d’investir 150 000 € pour apporter des modifications à ses bâtiments en installant des brasseurs d’air pour améliorer l’ambiance mais aussi des treuils motorisés pour remonter les chaînes d’alimentation et faciliter l’accès aux pondoirs. Il décide ensuite de venir ramasser quotidiennement les œufs pondus au sol dès l’allumage de la lumière à 5 h du matin pour tenter d’enrayer cette ponte au sol, mais toutes ses tentatives sont infructueuses. « En 2017, je construis un poulailler supplémentaire de 1 300 m2 et j’investis 300 000 € pour diminuer la densité et tenter de résoudre ce problème. » Mais rien n’y fait et la ponte au sol persiste avec entre 3 500 et 4 000 œufs à ramasser chaque jour manuellement. Avec une surface qui a augmenté et toujours autant d’œufs pondus en dehors du nid, Olivier Guévelou se retrouve même dans l’obligation d’embaucher un 2e salarié pour assurer le travail quotidien supplémentaire.

280 000 € d’investissement pour adapter les poulaillers

En 2017, Olivier Guévelou diversifie. Il construit alors 2 poulaillers de 2 000 m2 destinés à l’élevage de poulets de chair sur un site à 1 km du siège d’exploitation. « En 2018, je décide de tout basculer en volaille de chair et mon dernier lot de repro quitte les 5 300 m2 de poulaillers en août 2018. » L’éleveur se lance immédiatement dans les travaux et investit 280 000 € pour équiper les bâtiments de fenêtres pour que les poulets profitent de la lumière naturelle. Il installe des chaînes d’alimentation, des lignes de pipettes spécifiques pour la volaille de chair, du chauffage ainsi que des perchoirs pour rentrer dans un cahier des charges spécifique.

Les travaux se sont achevés au mois de janvier 2019 et Olivier Guévelou a pu démarrer son 1er lot de poulet. « J’ai déposé mon dossier de demande d’autorisation d’exploiter en décembre 2018 puisque c’est un changement de production. Les effectifs augmentent puisque je passe de 38 600 animaux présents sur l’année en repro à 106 000 animaux présents par lot avec 5,6 lots par an pour du poulet. J’étais donc soumis à enquête publique », explique l’aviculteur. Il insiste sur un point que c’est bien un changement de production et que la surface de bâtiment reste la même.

Un collectif s’est chargé de faire peur

Dès que l’enquête publique a été lancée à la mi-août, un collectif de voisins initié par des agriculteurs et des personnes travaillant dans le milieu agricole s’est créé. « Ils se sont chargés de faire peur à toutes les personnes du secteur », estime Olivier Guévelou. Les opposants ont peur du trafic de camions qui va augmenter, des éventuelles odeurs, du bruit au moment du lavage lors des vides sanitaires. « J’ai calculé, il y aura au maximum 50 camions de plus à circuler par an que lorsque j’étais en repro, soit moins de un par semaine. Pour le fumier cela représente entre 60 et 70 remorquées à évacuer par an. En comparaison sur un chantier d’ensilage on fait plus du double sur une seule journée. Lors du lavage des poulaillers la pompe haute pression est à l’intérieur, ça n’occasionne pas de bruit pour le voisinage. Les odeurs je n’y peux pas grand-chose, c’est occasionnel et cela dépend des lots, des saisons, de la météo et du sens du vent. »

L’éleveur poursuit : « Ils ont joué sur la confusion et parlé d’extension au lieu de changement de production et dans l’esprit des gens, je devenais le patron d’une ferme-usine. » La semaine de la clôture de l’enquête publique, le collectif a adressé « un courrier très virulent » au commissaire enquêteur avec copie à la préfecture, la mairie, la communauté de communes, la presse locale et quotidienne régionale. « Ces derniers se sont chargés de faire l’écho négativement de mon dossier sans chercher à me contacter. Il n’y a qu’un journaliste qui m’a appelé et à qui j’ai pu expliquer clairement la situation. »

Avis favorable

Le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable pour ce changement de production. L’aviculteur est en attente du passage au Coderst et de la rédaction de l’autorisation d’exploiter par la préfecture. Les poulaillers sont vides depuis le mois de septembre. L’éleveur espère pouvoir effectuer la mise en place du prochain lot courant janvier. Il estime le manque à gagner en chiffre d’affaires entre 100 000 et 130 000 €. L’éleveur a été obligé de faire des reports de prêts et de demander une avance de trésorerie à son groupement. « J’aime mon métier plus que tout. Mais là, j’ai un sentiment de dégoût et après cette nouvelle épreuve j’ai presque envie de tout plaquer et d’aller faire un autre métier », conclut Olivier Guévelou.


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