Affichage du mode d’élevage ou pas ?

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Seuls les œufs affichent leur mode de production dans les rayons. Une récente enquête montre qu’une majorité des consommateurs se disent prêts à payer plus pour le bien-être animal.

« Nous sommes interpellés tous les jours via les réseaux sociaux sur le bien-être animal », indique David Garbous, directeur du marketing stratégique chez Fleury Michon. « Par des gens tout à fait normaux qui reprochent à l’élevage d’être en retard par rapport à leurs attentes ». Le Label Rouge représente désormais 50 % des ventes des jambons de la marque et progresse de 10 % chaque année. « Ce n’est plus un caprice de bobos ». En parallèle, les jambons standards subissent une érosion annuelle de 2 %. Le communicant voit dans cette montée en gamme une manière de sortir, par le haut, de la crise de la consommation (diminution des ventes de viandes) et un moyen d’installer des jeunes éleveurs, séduits par de nouveaux modes de production. Se pose quand même la question de la valorisation de l’ensemble de la carcasse. Si les jambons labels se vendent comme des petits pains, ce n’est pas le cas des poitrines ou des viandes fraîches, écoulées dans le circuit conventionnel…

Prix et origine des viandes

Une enquête récente, présentée par Elsa Delanoue, sociologue, lors du forum sur l’évolution des marchés, organisée par l’Ifip, éclaire sur les critères d’achat. Pour les viandes, le prix et l’origine française sont actuellement les paramètres les plus importants aux yeux des consommateurs. « Pour le bœuf, l’origine locale est primordiale ; probablement parce qu’on les voit dans les champs ». L’aspect des produits et la date limite de consommation (DLC) figurent en bonne place. Viennent ensuite les signes de qualité, notamment pour les viandes de porc. Pour les yaourts, la DLC, le prix et la marque sont les critères les plus importants. Le mode d’élevage n’est pas un élément cité par les consommateurs enquêtés sauf pour les œufs. « Normal, car il est inscrit sur l’emballage des œufs, ce qui n’est pas le cas pour les autres produits ».

Clivages

Le directeur marketing de Fleury Michon est-il réaliste quand il parle du bien-être animal comme une préoccupation majeure? Interrogés, dans l’enquête, sur ce point précis, 64 % des consommateurs se disent prêts à payer plus pour un label « bien-être et santé animale ». Parmi eux, 8 % sont prêts à payer beaucoup plus. « Il y a peu de ruraux dans cette catégorie. Ce sont surtout des gens de plus de 50 ans et des retraités aisés qui ont une bonne connaissance de l’élevage. Ils sont sensibles aux conditions de travail des éleveurs et moins focalisés sur les prix des produits », poursuit Elsa Delanoue. Ces consommateurs sont également attentifs à l’origine des produits. À l’opposé, un quart des enquêtés n’achèteraient ces produits étiquetés qu’à la condition qu’ils soient au même prix que les standards. « Ce sont surtout des hommes, les 25-50 ans et les ouvriers qui sont peu attentifs à ce type de label ». Sans doute pas les plus actifs sur les réseaux sociaux, ce qui accentue la  perception du représentant de Fleury Michon. D’autres n’ont pas d’avis. « Souvent des jeunes peu diplômés, pas intéressés par l’élevage ».

Les « sans » s’imposent

Christophe Bonno, directeur des relations institutionnelles chez Les Mousquetaires, a un avis légèrement divergent. « Les allégations qui attirent actuellement sont en rapport avec la protection de l’environnement et la santé humaine, moins avec le bien-être animal. Le ’ sans antibiotiques’ est porteur ». Ce « sans », cuisiné à toutes les sauces, peut jeter le discrédit sur l’ensemble de la production standard… Par contre, il abonde sur la montée en gamme : « Les premiers prix régressent et c’est une bonne nouvelle car ces produits génèrent peu de valeur ajoutée et ne rémunèrent aucun des maillons de la filière ». Le fort pourcentage des consommateurs enquêtés prêts à payer plus interroge. « Ce n’est que du déclaratif mais il faut quand même avoir à l’esprit que les gens finissent souvent par mettre leurs actes en accord avec leurs idées », assure la sociologue. Même si le steak haché et le kebab font de la résistance chez les plus jeunes, le concept « manger moins mais de meilleure qualité » sera probablement la nouvelle norme de consommation des viandes.

L’inquiétude des jeunes

Chez les jeunes adultes et les diplômés, la dégradation de l’environnement est une préoccupation qui explose ces deux dernières années. Les peurs alimentaires sont également très fortes, notamment pour les viandes. Bien moins pour le lait, les céréales et les légumes. L’utilisation d’antibiotiques et les conditions d’élevage interpellent ces catégories de population. Ces inquiétudes sont observées dans tous les pays occidentaux, mais aussi dans les principales villes mondiales. Les ventes de produits bio y explosent en valeur car ce mode de production répond à toutes ces inquiétudes. Partout, les élites mangent moins de viande. La population suivra la tendance, par mimétisme et pour une raison de prix. Pascale Hébel, Credoc


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