De plus en plus souvent, la rédaction de Paysan Breton devient l’oreille attentive d’agriculteurs en proie au doute ; parfois aussi à la saine colère, dernière marche avant la résignation. Les lecteurs du journal dénoncent pêle-mêle un système qu’ils ne comprennent plus. Ou plutôt qu’ils comprennent trop bien. Pas une semaine ne passe en effet sans qu’un agriculteur – plus souvent un homme qu’une femme d’ailleurs – ne prenne sa plus belle plume ou décroche son téléphone pour s’élever contre une réalité qui le dépasse.
Les prix sont souvent le premier point abordé. Combien de fois les éleveurs laitiers font-ils observer qu’il manque « au moins 100 €/1 000 L pour vivre correctement du métier ». Une revendication d’autant plus forte qu’il semble fini le temps où la viande « rattrapait » le lait. « Les vaches de réforme se vendent moins cher en 2019 qu’en 1989 », est devenu un classique des comparaisons. Difficile en tout cas pour un éleveur d’admettre qu’une vache de réforme est devenue une sorte de non-valeur. Le constat est le même pour le veau de huit jours « qui ne paye même pas l’insémination ».
Au-delà de l’exemple du bovin, cette faible rémunération récurrente des produits agricoles a un effet délétère évident : elle participe à dévaloriser le métier, à écorner l’estime de soi et à entamer la passion collective pour cette noble profession. Un sentiment de tristesse au regard du sort réservé à l’agriculture émane souvent des échanges qui ressemblent fort à des appels à l’aide. Ce sentiment est amplifié par toutes les opérations insupportables de dénigrement de l’agriculture qui se multiplient depuis deux ans. Voire, dans une moindre mesure, par la profession elle-même qui, dans une sorte de « sauve-qui-peut », n’hésite plus à opposer les systèmes agricoles entre eux.