Si toute formulation d’aliment est une question d’équilibre, celle du 1er âge est une affaire de funambule ; le porcelet sevré est un animal hypersensible.
Déboussolé par le changement de local et l’absence de sa mère, immature au niveau digestif et immunitaire, le porcelet a fort à faire pour garder bonne mine en post-sevrage. Son intestin, quinze fois moins volumineux que celui du charcutier, sécrète bien moins d’enzymes, d’acides ou d’hormones pour dissoudre les matières premières. Ses villosités intestinales peu développées nuisent à la capacité d’absorption des nutriments. Pourtant, les coefficients de digestibilité utilisés pour le porcelet sevré sont généralement issus, pour des raisons techniques, de mesures réalisées sur le porc charcutier.
« Nous avons donc développé un système basé sur la protéine digestible pour prédire l’évolution des performances et la santé du porcelet », explique Arnaud Samson, du service de recherche de Wisium, acteur de la nutrition animale, intervenant à une journée technique à Nantes.
Le porcelet doit avoir suffisamment de protéines pour optimiser sa croissance musculaire mais pas trop pour limiter la quantité d’azote arrivant dans le gros intestin. Ces protéines, non utilisées dans la première partie du tube digestif, sont fermentées par les bactéries pathogènes. Les gaz produits, les acides gras et les diverses autres substances affectent l’imperméabilité membranaire et provoquent des toxicités, de l’inflammation ou des infections.
Des fibres
« Lorsque les pathogènes ont accès à des fibres, la quantité de métabolites toxiques est réduite car elles délaissent les protéines indigestibles ». Attention toutefois à l’excès de ces fibres qui pénalise l’ingestion des aliments… Peut-on réduire ces protéines indigestibles en abaissant la teneur en matières azotées totales (MAT) dans l’aliment ? « La baisse de MAT est efficace mais contre-productive, même avec un maintien des acides aminés essentiels. De 19 % à 17 % de MAT, le GMQ diminue de 40 g soit 800 g en fin de 1er âge. En dessous de 16 %, la réduction peut même être problématique pour la santé intestinale ».
Il est donc indispensable de conserver un minimum de protéines digestibles. « Maintenir les apports d’acides aminés essentiels dans un contexte où les apports en protéines sont réduits revient à faire apparaître une carence en acides aminés non essentiels ». Or, certains d’entre eux jouent un rôle crucial dans la santé intestinale du porcelet.
Âge au sevrage
Les apports de protéines dépendent du contexte. « Le besoin est plus élevé sur des porcelets sevrés à 21 jours qu’à 28 jours. Un mauvais sanitaire induit une modification des besoins en acides aminés ». Leur utilisation dépend des autres nutriments. « Le glucose constitue la première source énergétique pour les entérocytes. S’il vient à manquer, les acides aminés vont être oxydés par la muqueuse intestinale ». Les fibres sont essentielles pour éviter les fermentations liées aux protéines indigestibles… On le voit, la formulation d’un 1er âge est une affaire d’équilibriste.