Née en terre hollandaise, c’est en terre bretonne que Jeltsje Algera s’est ancrée pour bâtir son parcours professionnel en reprenant, avec son mari, un élevage laitier à Plouisy. C’était il y a 26 ans déjà.
C’est avec son accent inimitable, que Jeltsje nous accueille sur son exploitation, avec la préoccupation de savoir si elle pourra dans quelques jours prendre son train pour la capitale. En effet, invitée par l’Ambassade des Pays-Bas à Paris, elle doit intervenir sur son intégration en Bretagne. Et quel parcours ! Fille et fils d’agriculteurs, nés dans la région de la Frise néerlandaise, Jeltsje et son mari Gerben, partageaient la même envie commune : devenir eux aussi agriculteurs.
Prix du foncier trop élevé
Mais impossible dans leur pays de pouvoir s’installer. En effet, une de ses sœurs reprend l’exploitation familiale et celle de Gerben est trop petite pour envisager un avenir. Un prix du foncier trop élevé ferme définitivement la porte à une reprise auprès d’un tiers. Une émission de TV sur les Néerlandais installés en France renforce leur motivation à franchir le pas pour aller tenter l’aventure ailleurs. C’est ainsi qu’au début de l’été 1993, le couple visite quatre exploitations, deux en Normandie et deux en Bretagne… Coup de cœur pour un élevage laitier costarmoricain de 45 vaches laitières et 57 hectares dont 4 seulement autour de la ferme. La famille déménage alors en décembre de cette même année.
Des pratiques agro-écologiques avant l’heure
Très vite après leur installation, Jeltsje et son mari personnalisent la gestion de leur élevage laitier et entreprennent des évolutions techniques issues de leur pays d’origine. Par exemple, en 1996, les éleveurs procèdent à la mise sur caillebotis de la stabulation laitière. Dans leur stratégie de limiter les intrants, ils misent sur l’autonomie fourragère. Du handicap d’avoir seulement 4 hectares autour des bâtiments, ils en ont fait un atout. Il s’agit, entre autres, de revoir le système alimentaire basé essentiellement sur l’herbe, affouragement l’été et enrubannage l’hiver. « À l’époque, on coupait l’herbe, parfois même très court, et les voisins surpris n’en pensaient pas moins… », explique-t-elle. Avant de poursuivre : « La qualité était incroyable ». La recherche de cette autonomie alimentaire basée sur le système herbe a rapidement boosté la qualité du lait de l’élevage. Et dès le début des années 2000, ils ont misé aussi sur un mix herbe et trèfle blanc afin de limiter les intrants.
Toujours aller de l’avant
Passionnée par son métier, Jeltsje reconnaît avoir hérité de la fibre éleveur et avant-gardiste de ses parents, par exemple en matière de génétique. « Mon père était fou de génétique », relate-t-elle.
S’ouvrir, être à l’écoute des nouveautés, aller de l’avant sont des qualités cultivées par Jeltsje et Gerben. La mise aux normes en production laitière, une des priorités de l’exploitation, en est encore une illustration. C’est ainsi qu’ils ont pris, dès 1996, le premier train des subventions pour améliorer l’organisation du travail et optimiser les espaces en un bâtiment compact « tout en un », bâtiment qui a suscité la curiosité de nombreux agriculteurs et techniciens. De la même manière, ils ont saisi l’opportunité des Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), avec une pression environnementale parfaitement maîtrisée. En MAEC depuis 4 ans, l’exploitation atteint 150 à 160 unités d’azote par ha) avec de l’engrais uniquement sur les céréales, les autres surfaces étant fertilisées en lisier. « Le passage en MAEC a été facilité par des pratiques proches du cahier des charges », commente l’agricultrice. Et pour la 3e année, afin de pallier le manque de fourrage suite à la sécheresse, les éleveurs ont opté, pour la betterave fourragère dans la ration alimentaire.
L’herbe n’est pas plus verte ailleurs…
Poursuivre maintenant son métier d’agricultrice, là dans son terroir breton, tout en préparant la phase de transmission, tel est le nouveau défi de Jeltsje (et de son mari).
Née ailleurs et faisant partie d’un réseau d’éleveurs européens (European Dairy Farmers), elle affirme haut et fort, en reprenant l’expression fétiche de Katrine Lecornu, norvégienne installée en Normandie, que « l’herbe n’est pas plus verte ailleurs ». Oui, les autres pays nous envient ; oui la France a des atouts qu’elle ne valorise pas suffisamment (climat, foncier, transformation, coût de production, gastronomie…) clame la Costarmoricaine d’adoption, bien de chez nous ! Fière de son parcours en France, ayant tissé une riche vie sociale, c’est aussi avec beaucoup de motivation qu’elle travaille sur les plans de leur future maison située en Côtes d’Armor.
Élisabeth Le Morzadec, Cerfrance Côtes d’Armor
À noter : le hasard veut que la thématique de ce premier journal de l’année de Paysan Breton soit identique à celui des assemblées locales du marché Agri de Cerfrance Côtes d’Armor qui a pour titre « L’herbe est-elle plus verte ailleurs ? ». Pour en savoir plus sur ce sujet, nous invitons les lecteurs du journal, adhérents Cerfrance, à y participer, sur la période du 21 janvier au 14 février 2020. www.cerfrance22.fr