Notre monde contemporain est victime d’un certain syndrome de simplisme. Comme si la connaissance et la nuance de jugement n’avaient plus droit de cité. Un paradoxe au moment où notre société est de plus en plus pétrie de complexité. Tout est fait comme s’il fallait inhiber la faculté individuelle de penser. Au mieux, l’homme moderne aurait le droit d’utiliser deux neurones pour établir un jugement obligatoirement binaire : c’est bien ou c’est mal ; c’est bon ou c’est mauvais, etc. Par exemple, inutile de chercher à connaître les raisons techniques et économiques qui peuvent pousser un agriculteur à utiliser des antibiotiques, des phytosanitaires, ou à préférer le conventionnel au bio, etc. : des pseudo-élites – on les appelle experts – se proposent de penser à votre place.
Un monde infligeant un tel substitut cérébral n’est pas désirable. Il participe à construire du prêt-à-penser comme on fabrique du prêt-à-porter. Il participe à aliéner la plus basique des libertés individuelles : celle de penser par soi-même.
Il faut absolument abattre ce mur du simplisme qui nous enserre chaque jour davantage. Comment ? En refusant, par exemple, de se laisser bercer par ces émissions où seul compte l’ego d’animateurs qui coupent la parole à leur invité, fut-il, lui, un véritable expert contraint à son tour au simplisme dans ses réponses. Comment encore ? En reprenant le pouvoir sur sa propre information, c’est-à-dire en acceptant de passer du temps pour aller au fond des choses et en croisant les sources. À l’heure de l’information instantanée ou de la désinformation immédiate, « chaque lecture est un acte de résistance. Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même », nous rappelle à l’évidence l’écrivain Daniel Pennac.