« Redonner de la compétitivité à la ferme France »

 - Illustration « Redonner de la compétitivité à la ferme France »
Les présidents des organisations de producteurs de lait, de légumes, de porcs, d’œufs et de bovins viande, de Bretagne et de l’Ouest, livrent leur opinion sur la gestion de la future Pac.

La réforme de la Politique agricole commune (Pac) à Bruxelles, la définition de ses modalités de mise en œuvre en France, vont intervenir dans les prochains mois alors que vont se succéder pendant 2 ans, sans interruption, les campagnes électorales (municipales, régionales, présidentielle et législatives). En dépit du faible poids électoral des agriculteurs, il sera beaucoup question d’agriculture. Le risque d’une OPA de mouvements radicaux sur les orientations agricoles est réel.

La Pac doit assurer l’autosuffisance alimentaire, en quantité et qualité, assurer le revenu des agriculteurs, contribuer à relever les défis du bien commun (eau, air, biodiversité, climat, paysages, bientraitance animale, etc.) dans le cadre d’une stratégie européenne visant la compétitivité sur l’échiquier international. La connexion au marché international ne relève pas aisément, et c’est compréhensible, de la sensibilité ou des objectifs des décideurs politiques des collectivités territoriales. Cependant, elle s’impose continuellement, brutalement et sans choix aux agriculteurs, aux transformateurs, aux consommateurs : l’équilibre économique global des filières agricoles repose sur la contrainte d’exporter et d’importer. Les consommateurs français sont avides de jambons, de beef-steak, de tomates et de fraises, plus que nous en produisons, achètent des poitrines de porc et du pot au feu, moins que nous en produisons. Pour que le citoyen consomme français, la compétitivité s’impose, sans quoi rien ne résiste aux importations aux standards qualité moins disant.

Compte tenu des enjeux qui imposent une vision géostratégique, l’État français doit assumer l’entière responsabilité de la mise œuvre du premier pilier de la Pac. Il doit être déployé, notamment par des programmes opérationnels, en cohérence avec l’objectif européen visant à redonner du pouvoir de marché aux agriculteurs. À titre d’exemple, la compétitivité de la filière laitière française ne pourra pas durablement s’appuyer sur la faiblesse des prix payés aux éleveurs. Cela passe par un renforcement de l’organisation de la production, dont la reconnaissance relève de la compétence exclusive de l’État.

Si l’État n’assume pas sa responsabilité, même à titre expérimental, la régionalisation de la Pac s’imposera avec pour risques :
– Un éclatement de la Pac, source de divisions, alors que les bâtisseurs de l’Europe ont su placer l’agriculture et l’alimentation comme une pierre angulaire de la construction européenne. Nous y sommes fortement attachés.
– Une distanciation grandissante entre les autorités en charge de la mise en œuvre de la Pac, et celles, européennes et nationales, en responsabilités pour négocier les accords commerciaux internationaux. Ils supposent cohérence européenne. Négociations commerciales et Pac doivent rester liées.
– Une multiplication des politiques sur le territoire national, possiblement divergentes et probablement sources de distorsions de concurrence entre Régions. Une dérive inenvisageable alors que l’atténuation des distorsions de concurrence entre pays européens n’est pas achevée.
– Un dépouillement du ministère de l’Agriculture qui pourrait, à terme, disparaître au profit d’un secrétariat d’État, reléguant en arrière-plan les enjeux agricoles dans les arbitrages interministériels.
– Un approfondissement, du fait de la dilution des lieux de décision, du désintérêt des décideurs politiques pour traiter le dossier majeur, structurel et d’enjeu national, de la perte de compétitivité de la ferme France.

L’alimentation et l’agriculture, l’autosuffisance alimentaire, la transition écologique sont des sujets d’enjeux géopolitique. À l’Europe d’orienter ! À la France d’agir ! La Pac n’est pas un joujou politique, son budget une proie pour des campagnes électoralistes aux scrutins locaux, ciblant avant tout des urbains et rurbains, connectés au virtuel, éloignés d’une ruralité idéalisée. À nous, agriculteurs, de nous engager à donner du sens à ces citoyens qui en recherchent, et qui, s’urbanisant, chérissent et rêvent nos campagnes !

Gilles Pousse, Marc Kerangueven, Michel Bloc’h, présidents respectifs de AOP Lait Grand Ouest, Cérafel, UGPVB


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