Rien à voir avec ces mousses vertes qui se sont incrustées partout cet hiver. Quoique. Ce qui pousse l’économie à se verdir, c’est bien la crainte d’un ciel gris comme cet hiver. Alors, pour s’inscrire dans un renouveau rayonnant, l’économie change les couleurs. Partout, nous assistons à une véritable inflation du vert : l’énergie est verte, la finance est verte, la croissance est verte. Plus le vert disparaît intrinsèquement du quotidien de l’homme moderne de plus en plus immergé dans le gris du béton urbain, plus le vert s’impose comme couleur universelle. Comme un coup de pinceau pour ré-enchanter une nature qui se rebiffe.
D’ailleurs, on ne dit plus « nature ». On parle d’écosystème, de biodiversité, de biotope : plus la connaissance du réel s’appauvrit, plus les mots s’enrichissent. À noter qu’en breton, il n’existe pas de mot usuel dans les campagnes pour désigner la nature ; parce qu’elle est un tout. Les paysans n’avaient pas besoin de mot pour désigner la nature puisqu’ils en faisaient eux-mêmes partie. Mais les choses ont bien changé : un adolescent américain est capable de citer 1 000 logos de marques commerciales, mais est incapable de faire la différence entre 2 feuilles d’arbres. Paradoxe de la futile hyperconnexion et de la désolante déconnexion.
Qu’importe. Moins l’homme connaît et vit dans la nature, plus il la sacralise. Avec des mots, des concepts, des lois… et beaucoup d’interdits. Jusqu’au fétichisme. Avec son « bon sens paysan », l’agriculteur a longtemps sacralisé la nature aussi. À sa manière. C’est-à-dire avec pragmatisme. Car il savait qu’en surexploitant ses champs, ces derniers le lui feront payer. Il savait, et sait encore, qu’il ne faut pas se mettre dans le rouge pour rester dans le vert.