Inévitablement, les animaux restituent des fèces au champ. Or une bonne dégradation des bouses est indispensable pour optimiser le pâturage aux cycles suivants. Le conseiller Florent Cotten fait le point sur la question.
Chez PâtureSens, Florent Cotten rapporte que sur une prairie d’1 ha où l’on valorise près de 10 t de matière sèche d’herbe pâturée par an, les animaux vont excréter près de 9 300 bouses et 8 000 pissats (Lancon, 1978). Cependant, des zones de refus peuvent apparaître dans les paddocks. « La principale raison résulte de l’amertume qu’émet la bouse et de son temps de dégradation plus ou moins long », rappelle le conseiller.
La bouse, un théâtre biologique
« Une bouse est en quelque sorte une copie organique et minérale du fourrage ingéré par l’animal, 70 à 90 % des éléments minéraux ingérés étant relargués dans les fèces, et un aperçu de son microbisme intestinal. » Pour que toute cette matière soit digérée, l’écosystème prairial doit impérativement fonctionner correctement. « Dans ce véritable théâtre biologique, des acteurs spécialisés, en plus de la faune du sol ou pédofaune sous-jacente, contribuent à la minéralisation de la bouse et à son retour dans le cycle des éléments en passant par des phases de découpage, d’enfouissement et de transformation biochimique. »
Vue d’une façon théorique et simplifiée, le devenir des fèces est lié aux groupes d’organismes recycleurs et décomposeurs de l’écosystème (macro, méso et microfaune), ainsi qu’au type de climat. « Cette dégradation conduit à un enrichissement des horizons du sous-sol qui stimule les populations microbiennes du sol et augmente notamment d’une manière significative le rapport bactéries/ hyphes mycéliens (champignons) favorisant le développement des bactéries ammonifiantes améliorant nettement le cycle azoté de la prairie. »
Une dégradation multispaciale
Selon les études, jusqu’à 10 000 individus par kilo de bouse – appartenant à une centaine d’espèces – ont pu être recensés. « Cela implique une intense compétition pour s’assurer une portion de la précieuse ressource alimentaire », souligne Florent Cotten. Certains s’en nourrissent par le dessus (endocoprides), d’autres par enfouissement dans le sol (paracoprides) et d’autres par déplacement de boules en surface en mode « à emporter » (télécoprides). Une fois toutes ces étapes réalisées, la bouse est totalement enfouie, réintégrée au sol, et les plantes reprennent le dessus. « C’est alors que la vie microbienne du sol, dans les horizons édaphiques, achève sa minéralisation, essentielle aux microorganismes du sol et aux plantes. » Cette dégradation peut se faire en l’espace de 1 à 2 semaines lorsque toutes les conditions sont réunies.
Problèmes de non-dégradation
Cependant, l’absence de ces organismes se traduit par de graves dysfonctionnements dans la gestion des prairies : « Elle entraîne une accumulation de bouses non enfouies et conduit donc à une régression importante des surfaces utiles de pâturage ». Le spécialiste liste les causes possibles de ce problème :
– Un sol compacté réduit grandement l’activité et la diversité de la vie microbienne du sol, moteur de dégradation des bouses
– Un manque d’attrait de la bouse pour les auxiliaires, à relier au type et à la qualité du fourrage ingéré, qui débouche, comme à la compaction du sol, sur moins d’éléments rendus biodisponibles pour les plantes par les microbes
-Un temps de retour trop rapide sur les paddocks (à relier au mode de pâturage)
– Le passage trop fréquent de l’ébouseuse en post paturage qui, en étalant la bouse, amène à casser le cycle de nourriture mais aussi de reproduction de nombreux invertébrés essentiels à l’écosystème prairial.
– Un chargement animal trop important combiné à une bonne part d’affouragement à l’auge cause un surplus de fèces sur une surface limitée. Cela peut amener à des blocages de dynamique de dégradation de la matière organique et à des bouses qui s’accumulent sans se dégrader.
– Suite à l’usage d’un vermifuge à large spectre, la mortalité aiguë, surtout présente sur les larves d’insectes, rend les déjections bovines stériles pendant plusieurs semaines après traitement à forte rémanence (ivermectine). « Or, même si une bonne approche globale du pâturage permet de résoudre une grande part du problème de parasitisme, le déparasitage systématique des animaux en prairie est devenu coutume : selon Synagri, 84 % des génisses de 1re année, 30 % chez les 2e années et 22 % des vaches. »