Les fortes précipitations reportent les chantiers de désherbage et de fertilisation des cultures. Si les reliquats d’azote sont plus faibles en sortie d’hiver, les températures douces ont favorisé la minéralisation. Les céréales ont encore un peu de répit avant d’être en sous-nutrition azotée.
« Je n’ai réalisé mes apports d’azote que sur orge, il y a 3 semaines. Elles ont été désherbées à l’automne, ce n’est pas le cas pour les blés. Des sources jaillissent dans les champs, les plants ont leurs racines dans l’eau, il y a des problèmes d’asphyxie », peut-on entendre chez un producteur de Scrignac (29). Les sols saturés en eau demandent d’attendre des conditions meilleures pour intervenir aussi bien pour le désherbage que pour les apports d’engrais.
Brendan, Ciara, Inès, Dennis ou Léon : la région Bretagne a essuyé son lot de tempêtes cet hiver 2019-2020. Et ce n’est pas fini. Depuis le début de semaine, un épisode météorologique pluvieux, avec une dépression bloquée sur la Scandinavie et l’Europe de l’Ouest empêche les sols gorgés d’eau de se ressuyer : toutes les interventions sur les parcelles en culture sont reportées, au grand dam des agriculteurs qui voient les travaux des champs remis à plus tard.
Sur les céréales qui ont été implantées en novembre, « les adventices sont un peu plus avancées, contrairement aux semis tardifs de janvier, où elles sont peu développées », a pu observer Louis Le Roux, conseiller culture à la Chambre d’agriculture sur le secteur de Morlaix (29). Les stratégies de désherbage devront sans aucun doute être modifiées, surtout dans les cas où l’application de solution en post-levée précoce a été prévue.
Il reste un peu d’azote
Avec cette importante pluviométrie, l’azote minéral contenu dans le sol a été lessivé, les reliquats en sortie d’hiver sont plus faibles que les années précédentes. « Mais l’hiver n’a pas été très froid, la minéralisation s’est poursuivie, les céréales ont continué à être alimentées par l’azote présent en surface », poursuit le conseiller qui se veut plutôt rassurant. « Tant que les céréales ne jaunissent pas, il n’y a pas d’urgence ». Si un 1er apport de fertilisant est nécessaire, il est prudent d’attendre. « Mieux vaut désherber en priorité dès la prochaine fenêtre météo clémente ». Un apport d’azote sans désherbage préalable nourrirait les adventices.
Suivant les techniques culturales (labour ou non-labour), la portance des sols est très différente. « Les cultures implantées sans labour sont plus portantes. Chaque agriculteur connaît ses parcelles. Une visite au champ, pulvérisateur vide, permettra de se rassurer ou au contraire de reporter son désherbage », conseille Louis Le Roux. Petit lot de consolation, « l’activité des vers de terre s’est maintenue malgré les fortes précipitations. Nos mesures datant d’il y a 10 jours montrent qu’ils ne sont pas cachés en profondeur ». Cette activité biologique aidera les sols à se ressuyer.
Céréales de printemps et dérobées
Pour Sébastien Grey, chargé de développement chez Eureden, 15 à 20 % de la sole prévue en céréale n’a pas été semée. « Ces surfaces seront remplacées par du maïs à hauteur de 60 %, les 40 % restantes seront implantées en orge de printemps ». Or, pour cette dernière, le compte à rebours est lancé, la période optimale de semis se situant dans la dernière quinzaine de février. « Les 10 prochains jours seront déterminants », prévoit le chargé de développement, qui remarque un engouement depuis quelques années pour ces céréales de printemps qui allient rendement en grain et production de paille.
Le responsable attire aussi l’attention sur les dérobées dont le stade physiologique avance très vite. « Il faut être vigilant vis-à-vis des dates optimales de récolte, un RGI doit être récolté au stade épi 10 cm. Attention à ne pas se faire déborder, en particulier sur les parcelles non exploitées à l’automne ».
On a semé tous les mois
Sur le secteur de Poullan-sur- Mer (29) quasiment aucune parcelle de céréale n’a été fertilisée, hormis quelques cultures d’orge il y a 15 jours. Les agriculteurs ont été contraints d’arrêter leurs travaux, les terrains étaient saccagés. À cela se sont ajoutées de fortes rafales de vent qui ont contrarié les chantiers. J’ai fabriqué une remorque épandeuse d’une capacité de 600 kg pour répondre à la demande particulière de cette année, capable de projeter l’engrais à 24 m. L’ensemble, tracté par un quad à chenilles, pèse à plein 1,7 t et a été allégé au maximum tout en gardant un petit châssis solide pour accéder aux parcelles peu portantes. L’engin est capable d’épandre de l’anti-limace, mais je n’ai pas eu à intervenir sur ce ravageur malgré les températures douces. Gérant d’Agri Breizh Service