Les Jeunes Agriculteurs sont inquiets. Les perspectives encourageantes pour 2020 se sont brutalement effondrées alors que de nombreux éleveurs sont au bord de la rupture psychologique.
S’arranger avec des prix d’équilibre prévisionnels surfaits pour faire en sorte que « le projet passe » ; opter pour des volumes de lait « surdimensionnés » à l’échelle humaine pour pouvoir générer du chiffre d’affaires afin « d’écraser les charges ». Pas de secret : ces deux recettes sont communément utilisées en production laitière pour espérer dégager davantage de revenu. Invincible devant l’invincible quand tu nous tiens…
Sauf que, comme l’évoque Alexandre Castrec, responsable lait des Jeunes Agriculteurs du Finistère, ces raisonnements se heurtent de plus en plus souvent à « une limite psychologique ».
Autrement dit, ce n’est pas le tout d’accepter 300 000 litres de plus « offerts » par la laiterie et de se retrouver « au seuil de rupture face à ces volumes supplémentaires. Que ce soit en termes d’investissement ou en termes de travail », concède le jeune syndicaliste conscient que « la profession, et plus particulièrement les jeunes, va devoir apprendre à gérer ces seuils de rupture psychologique ». Autrement dit ces moments délicats, voire personnellement dangereux, où la réalité de l’endettement et/ou la surcharge de travail conduisent inexorablement, si l’on ne prend pas garde, à vaciller, voire à chuter vers l’inconnu.
Intenables 60 heures par semaine
Il y a quelques semaines, une réunion organisée sur ces sujets par les JA 29 a remporté un franc succès. Illustration que les questionnements sur la rentabilité économique, sur la surcharge de travail, etc., gagnent de nombreux jeunes éleveurs. Même discours du côté des organisations professionnelles qui alertent également contre une certaine dérive. « Tous les projets d’installation passés en commission en janvier dernier affichaient des temps de travail supérieurs à 60 heures par semaine », s’inquiètent des observateurs finistériens. Intenable à terme. Et pas seulement à court terme quand les parents sont encore là pour donner un coup de main… ou, plus régulièrement, « remplacer deux équivalents 35 heures ». Le basculement vers une situation critique peut avoir lieu 5 ans plus tard quand les retraités se retirent définitivement.
L’option de la régulation
« Les jeunes sont préoccupés », admet Alexandre Castrec. D’autant plus préoccupés que la conjoncture actuelle ajoute une couche d’incertitude supplémentaire. « Un jeune me confiait l’autre jour : On nous annonçait l’été du lait et aujourd’hui on nous annonce le pôle Nord ». « La brutalité avec laquelle les prix décrochent donne le vertige », commente le jeune Finistérien. « Et on ne peut que regretter que c’est encore une coopérative qui a décroché la première de 20 €. Aujourd’hui, toutes les laiteries emboîtent le pas ».
Alors quelle solution ? « La régulation ? Ce serait une bonne chose. À condition qu’elle soit européenne. Car lors de l’autre crise, le stockage n’a fait que reporter le problème », observe Alexandre Castrec. Et de conclure : « Difficile de dire comment nous allons pouvoir avaler cette crise. Certaines laiteries parlent déjà de 290 €/1 000 L. C’est sûr qu’à ce prix-là il n’y aura pas d’installation. Or, certaines laiteries s’inquiètent déjà pour l’approvisionnement futur ».