Le canard est la production avicole la plus touchée actuellement avec des vides sanitaires pouvant atteindre 19 semaines. Le poulet lourd est aussi impacté avec des mises en place qui diminuent et la dinde française risque de se retrouver concurrencée par de la viande polonaise.
Depuis un peu plus d’un mois, les difficultés s’accumulent dans les élevages de volaille à des degrés moindres selon les productions. Le confinement, la fermeture des restaurants et l’arrêt d’activité de beaucoup d’entreprises de la restauration hors domicile (RHD) ont provoqué des chutes de consommation de 50 à 70 % selon les espèces. Les productions les plus concernées sont : le poulet pour la RHD, le canard (gras et maigres), la pintade, la caille et le pigeon. Pour ces filières cela se traduit déjà par des allongements des vides sanitaires, des arrêts d’activité, des abattages anticipés, des réformes prématurées des cheptels reproducteurs.
Une situation catastrophique en canard
La production de canard de chair qui était déjà en difficulté depuis le mois de septembre 2019 voit la situation se compliquer encore plus depuis que la France est touchée par le Covid-19. La production française qui était de 32 millions de canards en 2016 était descendue à 19 millions après l’épisode d’Influenza aviaire pour remonter à 36 millions de têtes en 2019. « Les opérateurs envisagent de redescendre rapidement la production en dessous des 30 millions de canards », indique Yann Brice, délégué général d’Anvol, l’interprofession de la volaille de chair. La situation est jugée catastrophique par les éleveurs de canards. « Notre parc bâtiment canard de chair est de 90 000 m2 dont 20 000 m2 de bâtiments construits entre 2018 et 2019 », observe Pierrick Le Labourier, président de la section volaille de Triskalia. Cette crise est liée à l’augmentation de la production en France, à la baisse des exportations, à la concurrence du canard venant de l’étranger et à la diminution de la consommation de canard dans l’Hexagone.
« Nous avons réuni les éleveurs de la coopérative pour trouver un accord sur la durée des vides sanitaires. Nous avons décidé que les jeunes investisseurs auraient 6 semaines de vide pour pouvoir continuer à payer leurs annuités et les charges. Pour les autres éleveurs, les vides pourront atteindre 19 semaines », informe Pierrick Le Labourier. Un éleveur breton témoigne : « Nos 2 000 m2 rénovés l’an dernier sont vides depuis 8 semaines. Le vide sanitaire va durer 14 semaines quand, habituellement, on recharge sous 3 à 4 semaines. Nous avons la chance d’avoir du lait, du porc et des cultures sur notre exploitation ce qui va permettre de nous en sortir, mais je n’ose pas imaginer dans quelle situation se trouvent les éleveurs spécialisés. » Pour Pierrick Le Labourier, un plan d’aide spécifique au canard doit être envisagé très rapidement.
4 semaines de vide en poulet sexé
La production de poulet lourd sexé subit aussi de plein fouet la fermeture des restaurants et la diminution des débouchés vers la RHD. « En France, la restauration rapide a besoin de 1 million de poulets par semaine. Ce débouché est en ce moment à l’arrêt et ces volumes n’ont pas basculé vers les GMS », constate Yann Brice. Stéphane Dahirel, président du Gaévol poursuit : « Pour certains lots, l’abattage a été anticipé en tout-venant (mâles et femelles) pour coller au marché national. Nous sommes actuellement sur des vides sanitaires de 4 semaines. Nous espérons que cela ne va pas encore s’allonger. Nous réfléchissons à une compensation pour les éleveurs dont les lots ont été abattus précocement afin qu’il y ait la plus grande équité possible entre tous. Après cette crise nous aurons besoin de rediscuter rapidement les prix sortie élevage avec nos partenaires. »
Les bas morceaux stockés en frigo
Pour les éleveurs en poulet tout-venant abattus à Languidic (56), les durées d’élevages se maintiennent à 44 jours. L’abattoir tourne à plein régime, la baisse des effectifs pour respecter les gestes barrières a été compensée par un aménagement des horaires. « Les vides sanitaires vont passer à 3 semaines contre 2 habituellement cela reste donc acceptable », fait remarquer Benoît Cornec, aviculteur et président du groupement Univol. La dinde est aussi sur une baisse des volumes commercialisés entre 5 et 10 %. « Nous avons un déséquilibre matière qui s’accentue avec les cuisses et les ailes qui sont congelées et stockées en frigo en attendant de trouver des débouchés. Nous avons donc sollicité l’aide au stockage privé au niveau européen », précise Yann Brice. Les vides sanitaires devraient aussi s’allonger en dinde car des volumes supplémentaires vont arriver suite à l’augmentation régulière des mises en places depuis le début de l’année. L’interprofession regarde aussi de près les importations qui pourraient arriver de Pologne suite à leur impossibilité d’exporter vers la Chine.
Mettre en place un report d’annuités
Nos trésoreries étaient déjà très tendues avant que le Covid-19 ne fasse son apparition. Avec les vides sanitaires qui s’allongent, un éleveur de poulet va faire 2 lots de moins sur l’année. La situation est très inquiétante d’autant plus que les éleveurs ont récemment investi soit dans des poulaillers neufs soit en rénovant. Au niveau du Cravi nous avons proposé une rencontre entre les banques et les cabinets comptables pour mettre en place un report d’annuités de 6 mois. C’est une aide indirecte qui ne coûte rien à l’État, qui est efficace tout de suite et qui donne immédiatement de l’air aux éleveurs. Une revalorisation de nos contrats permettrait aussi de redonner des perspectives aux aviculteurs bretons.Thomas Couëpel, aviculteur et président du Gouessant