Perspectives de marché : Une filière laitière sous haute tension

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Dans le contexte du confinement, même si les grands groupes laitiers ont su réorganiser leur production vers des produits de grande consommation basiques, la dégradation des cours des commodités pèsent déjà fortement sur l’équation laitière européenne.
Fermeture de la RHD, habitudes de consommation chamboulées, transformation sous pression, pic annuel de production, signaux alarmants à l’international… Les observateurs sont inquiets pour la santé de la filière.

Un marché laitier de la RHF qui diminue de 85 % ; une demande des ménages qui augmente fortement sur les laits conditionnés, le beurre, la crème, l’ultrafrais (yaourts) et les fromages de type industriel. Pour les transformateurs laitiers, la transition est brutale. Selon son mix produit, chaque structure est plus ou moins exposée. « Les petites laiteries orientées produits à valeur ajoutée pour la RHD sont les premières pénalisées », note Gérard You, de l’Institut de l’élevage. Froneri, glacier emblématique du Finistère, a ainsi arrêté de produire. Des arrêts de collecte sont annoncés dans d’autres régions.

Les grosses laiteries ont simplifié leur offre se concentrant sur les références les plus demandées. Jean-Paul Prigent, administrateur de Sodiaal Union, raconte que, du jour au lendemain, des chaînes ont dû se mettre à tourner à plein régime pour répondre à l’augmentation des commandes en fromage râpé, cubes d’emmental et lait de consommation. « Cela amène parfois à dérouter des laits, occasionnant des charges supplémentaires. »

Un commerce européen perturbé

Une réorganisation forcée au moment même où la filière s’approche du pic de collecte. Or, la dynamique laitière est globalement positive dans toute l’Europe. « C’est très préoccupant ! », confie Gérard You, avant d’expliquer que la fermeture de la RHF, grâce au report de consommation à domicile, n’est pas le plus grand enjeu actuel. Pour lui, « la grosse inquiétude vient des débouchés internationaux », rappelant que la France exporte près de 40 % de sa production laitière (9 milliards de litres) vers l’Europe et les pays tiers. « Même si les frontières restent ouvertes au commerce, les contrôles sanitaires et le manque de chauffeurs limitent les échanges. » Nos voisins, dont d’importants clients, ont aussi tendance à privilégier l’approvisionnement national, délaissant notre lait vrac ou nos PGC.

Un grand export au ralenti

Concernant les pays tiers, les contrats passés sont honorés dans la limite des possibilités de flux. « Mais il n’y a quasiment plus de commande pour l’avenir. Le business tourne au ralenti », rapporte l’économiste. Jean-Paul Prigent confirme l’idée d’un « grand export très compliqué » après la grève des dockers et le Covid-19 en Chine alors que l’Europe, premier acteur du marché mondial, est accompagnée par une production vive aux États-Unis, en Argentine ou en Australie. « Nous constatons un fort recul sur le commerce des poudres et ingrédients. La cotation beurre-poudre dévisse : elle a perdu 50 € / t en un mois et continue de baisser. » Un autre indicateur inquiète le Breton : « Le prix du baril a sévèrement chuté, or quand le pétrole tombe, les commodités suivent la même tendance. »

Prix du lait menacé

L’heure est déjà grave à en croire Erwin Schöpges, président de l’European Milkboard Board (EMB). « Comme, aujourd’hui, les laiteries ont du mal à fournir la distribution en PGC, les éleveurs se disent que c’est bon signe. Mais ils manquent d’informations sur ce qui se met en route sur les marchés… » En contact avec les laiteries de toute l’Europe, l’éleveur rapporte que partout, les industriels éprouvent des difficultés à valoriser la matière grasse. « Ils demandent, voire imposent, des baisses de volume aux producteurs, et réclament la possibilité de recourir au stockage privé… »
Dans ce contexte, « on peut s’attendre à une baisse du prix du lait aux producteurs », lâche Gérard You qui invite les éleveurs à « diminuer leur volume à court terme en évitant de réformer pour ne pas casser le potentiel laitier ». Et Jean-Paul Prigent et Erwin Schöpges de marteler qu’une solution à cette crise passant par un soutien des producteurs doit être trouvée d’urgence à l’échelle européenne.

Une saisonnalité identique

Pour l’heure, nous suivons la prévision annuelle au niveau du prix du lait en respectant le même niveau de saisonnalité que d’habitude. Laïta s’adapte pour valoriser différemment ses produits, mais la GMS ne compense pas totalement. La forte demande en beurre se traduit en parallèle par une production élevée de poudre qui a cet avantage d’être stockable ; des incertitudes demeurent toutefois quant à sa valorisation future. Bien que nous relayons les préconisations du Cniel de limiter la production, nous estimons qu’il est trop tôt pour prendre des décisions contraignantes. A plus long terme, nous nous interrogeons beaucoup sur la reprise du marché. Frédéric Conq, président de la section lait Triskalia


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Un commentaire

  1. Travel2leisure

    Les sous-r alisations dans les nouveaux tats membres peuvent tre beaucoup plus importantes, mais les structures de production ne leur permettent pas encore d’ tre de v ritables acteurs au niveau international. Le d laissement de la production laiti re au Royaume-Uni est une nigme aux yeux de nombreux observateurs. Voil un pays qui a le potentiel, le climat, l’herbe, un march captif pour une grande production laiti re et qui n’a jamais fait jouer ses avantages comparatifs.

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