Après des mois de confinement météorologique, la campagne bretonne est en effervescence : « Soleil au taquet, tracteurs au grand braquet ». Et, heureux que la génération actuelle de tracteurs nécessite encore un chauffeur. Quel supplice fut-il en 2020 de devoir rester confiné dans sa ferme et de voir le matériel technologiquement autonome partir seul au champ fumer la terre et creuser le sillon ! D’autant que les arguments sanitaires plaident, dans ces circonstances particulières, en faveur du paysan : aucun risque de se faire infecter par le coronavirus dans sa cabine-bulle panoramique perchée à 3 m de haut. Au printemps, la vie à la campagne offre des petits plaisirs simples à la Philippe Delerm. Osons le dire, le revendiquer… et en profiter.
C’est, qu’avec le confinement, la campagne redevient un espace de liberté envié de tous. Feu les sentences citadines prononcées avec ce ton mêlé de désolation et de compassion : « Ah, vous habitez en pleine campagne, loin de tout ! Mais comment faites-vous ? ». Formule qui se transforme soudainement en convoitise : « Ah, vous habitez la campagne… la chance ». Un propos qui fait gonfler le torse à tous ces ruraux qui, à force de rentrer la tête dans les épaules, finissaient par douter de leur choix de vie campagnarde trop souvent perçue comme en marge du monde, en marge d’un monde. Parmi tous ces ruraux, des milliers d’agriculteurs bretons s’en trouvent moralement requinqués. Et peuvent poursuivre apaisés le chemin des quatre saisons que leur trace depuis l’éternité la course du soleil dans le ciel, ponctuée par l’heure des semailles de printemps et les récoltes d’automne.